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Ligue Communiste des Travailleurs

Section belge de la Ligue Internationale des Travailleurs -
Quatrième Internationale (LIT-QI)

« L'émancipation des travailleurs sera l'œuvre des travailleurs eux-mêmes. » K. Marx

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Déclaration de la Ligue Communiste des Travailleurs sur la guerre en Ukraine, 18 avril 2022

 

Cela fait plus d’un mois que la seconde puissance militaire mondiale, dirigée par Poutine, à envahi l’Ukraine, un pays qui n’a jamais menacé la sécurité de personne. Les images et les informations qui nous parviennent témoignent de la barbarie de ce qui se déroule, mais aussi de la résistance héroïque du peuple ukrainien qui tient tête à cette armée. En Belgique, comme partout dans le monde, une partie de la gauche et nos organisations syndicales adoptent au mieux une position pacifiste, ce qui équivaut à regarder passivement la situation. Plus de 4,5 millions d’Ukrainiens ont déjà fui leur pays et près de 10 millions ont dû quitter leurs foyers. En Russie même, il existe un important mouvement contre cette guerre, mais qui est brutalement réprimé par le régime, condamnant toute opposition à cette guerre à 15 ans de prison.


 

Lutte entre blocs ou lutte de classes ?

Les médias et une grande partie de la gauche expliquent les morts, les massacres et les destructions en Ukraine par le désir de Poutine d’étendre son influence géopolitique et de contrer l’expansion de l’OTAN, qui en profite d’ailleurs pour réarmer l’Europe et les États-Unis. Sans oublier que tout cela serait une stratégie dans la guerre des prix du gaz et du pétrole, chacun aurait ses intérêts particuliers. Il est clair que Poutine cherche une meilleure place dans l’ordre impérialiste actuel, marqué par la défaite militaire des USA en Afghanistan qui signe l’échec de la stratégie du « Nouveau Siècle américain » de l’administration Bush. La bourgeoisie russe veut également profiter un maximum du conflit économique entre les États-Unis et la Chine. L'OTAN s’étend et stimule un réarmement militaire mondial. Depuis 1997, l’OTAN a intégré la quasi-totalité des pays de l’Europe de l’est. Récemment une mission appelée « Enhanced Vigilance Activities » y renforce sa présence, où la mission des F-16 belge sera prolongée[1].  Il y a également un réarmement grâce à cette guerre. L'Allemagne a triplé son budget militaire et a modifié un article de sa constitution qui l’empêchait d’exporter des armes offensives. La Belgique a déjà rajouté un milliard à son budget militaire pour la législature en cours.

Tout cela est vrai, mais la raison pour laquelle Poutine a envahi l'Ukraine est qu'il y a dans ce pays un mouvement populaire de libération nationale. Et c’est pour cela que nous assistons actuellement à une véritable guerre populaire de libération nationale pour la défense de droits élémentaires tels que ceux de vivre en liberté et de décider de leur propre destinée.  En 2014, sur les barricades de la place Maïdan, le peuple ukrainien a détruit le régime dictatorial, et cela a mis fin à des décennies d’oppression au service du régime stalinien d’URSS puis de celui de Poutine.  Cette vague de liberté et d’enthousiasme populaire n’a pas été vaincue. Cela a même inspiré le peuple biélorusse ou kazakh. Le régime de Poutine fait ce qu’il a déjà fait en Syrie : il extermine physiquement tout mouvement révolutionnaire qui pourrait menacer ses intérêts.

C’est parce que la proximité du peuple russe et ukrainien est importante que Poutine a dû se servir de nombreux mensonges sur les raisons de la guerre comme : « dénazifier l’Ukraine », « répondre à l’extension de l’OTAN ». Évidemment il ne pouvait pas dire au peuple russe que, comme ils sont sœurs et frères des Ukrainiens, ces derniers risquent d’importer une révolution démocratique et donc qu’il est nécessaire pour la survie de son régime autoritaire de les écraser. Et c’est cette propagande, malheureusement relayée par de nombreuses organisations de gauche, qui empêchent une solidarité active avec la juste résistance ukrainienne. Mais, heureusement, beaucoup de travailleurs et de peuples à travers le monde n’écoutent pas tous les commentateurs et idéologues qui inondent les réseaux sociaux, car sinon qui aurait organisé de l’aide pour les réfugiés ? Qui aurait été se battre pour renforcer la résistance contre l’invasion russe ?

Combattre notre propre impérialisme

Prenons le point de vue de nos détracteurs de gauche qui avancent tant l’argument de l’extension de l’OTAN et des intérêts de l’Occident dans la région, qui seraient antagonistes à ceux de Poutine, pour justifier qu’il ne faudrait pas renforcer la lutte de libération nationale de l’Ukraine contre l’envahisseur russe.

Si la bourgeoisie impérialiste des États-Unis et des pays européens voulait vraiment lutter contre l’invasion sanglante de Poutine, elle stopperait l’afflux d’argent frais pour financer cette guerre. Au lieu de cela la Russie a augmenté sa production et son exportation de pétrole la première quinzaine de mars[2] grâce aux achats de cette hypocrite communauté internationale qui jure la main sur le cœur être aux côtés des ukrainiens. Le dernier paquet de sanctions de l’UE[3] ne changera rien vu que les produits énergétiques sont exclus de ce dernier, ainsi que les diamants, chers à l’état belge.   L’armée russe a pu compter jusqu’il y a peu sur des armes fabriquées chez nous, car, malgré l’embargo sur les armes décrété par l’Union européenne après l’annexion de la Crimée en 2014, de nombreux pays, dont la Belgique et la France, ont continué à lui vendre des armes. Et à la demande insistante de l’armée ukrainienne, le gouvernement belge se limite à n’envoyer que quelques fusils d’assaut alors qu’elle produit des armes bien plus lourdes et bien plus sophistiquées et qu’elle possède une flotte complète d’avion de combat F-16. 

La Belgique suit la politique du ministre de la Défense des États-Unis qui s’est opposé à l’envoi d’avion de combat polonais en Ukraine. Ainsi les bombardements massifs et systématiques de villes ukrainiennes entières se poursuivent, jour et nuit, détruisant tout, hôpitaux et écoles comprises, enterrant les habitants vivants, car la résistance ukrainienne ne dispose pas d’aviation ni de défense antiaérienne efficace. Et ce n’est pas la campagne scandaleuse[4] du gouvernement De Croo qui appelle les Belges à consommer moins d’énergie pour aider l’Ukraine qui va changer cette réalité…

L’argument avancé pour ne pas envoyer plus d’armes est la peur d’une escalade militaire. Évidemment ce risque ne peut jamais être exclu sous le capitalisme impérialiste. Mais toute analyse doit se baser sur des faits objectifs. Les faits sont que Poutine n'est pas à la tête d'un État ouvrier qui est menacé par l'OTAN. Poutine est à la tête d'un État bourgeois qui est en charge d'administrer la recolonisation de la région par le capital occidental. D’ailleurs, jusqu'en 2014, il existait un Conseil OTAN-Russie qui a notamment créé une mission pour renforcer la capacité militaire de l'armée afghane en fournissant une flotte d'hélicoptères en 2013.[5]  Il y a eu également un accord entre la Russie et l’OTAN en Syrie par rapport à la délimitation de l'espace aérien, ainsi Poutine a pu tranquillement bombarder la résistance et toute la population syrienne pour défendre le régime sanguinaire d'Assad. Ajoutons à ces coopérations une dépendance structurelle, à savoir l’endettement des banques russes envers les capitaux étrangers et  beaucoup de banques en Russie sont des banques internationales. Cependant, il est vrai qu’il existe une lutte économique féroce entre des économies capitalistes qui ont des intérêts géostratégiques parfois différents. Mais, bien qu’ils soient en concurrence sur les marchés,  ils ont des intérêts de classe en commun.

Ainsi, pour expliquer la passivité de l’OTAN, l’argument de la peur de Poutine n’est donc pas correct. La réalité est bien plus terrible. L’OTAN, et avant tout les pays de l'Europe, ne veulent pas de révolutions qui menacent leur domination sur le continent européen. Ils ne veulent pas d'un nouveau Maïdan. Ils ne veulent pas d'un régime libre et démocratique en Biélorussie, comme ils n'en veulent pas au Kazakhstan. Ils ne veulent pas tout cela, car cela va compliquer les affaires, rendre des régions entières instables. Et l'OTAN a d’ailleurs été tout à fait d'accord que la Russie réprime ces révolutions. C’est pour cela que l'UE et l'OTAN  laissent la Russie réprimer et écraser l'Ukraine. Ils ont bien compris que l’objectif premier de Poutine n’est pas de lutter contre l’OTAN, mais d'écraser tout souffle révolutionnaire dans la région.

Comprendre cela ne nous fait pas reculer d’un seul millimètre dans notre politique face à l'OTAN. L'OTAN est la plus grosse machine militaire jamais organisée par la bourgeoisie pour maintenir sa domination sur les travailleurs et les peuples. Et tant que l'OTAN existera, nous ne serons ni en sécurité, ni en en paix. Notre politique c'est la dissolution de l'OTAN, le démantèlement de tout son arsenal et de toutes ses bases militaires. C’est pourquoi nous avons toujours revendiqué : l’OTAN hors de la Belgique, la Belgique hors de l’OTAN ! Mais aller dire que c’est à cause de son expansion à l’est que Poutine a attaqué la Russie, c’est non seulement donner du crédit au mensonge d’un criminel sanguinaire, et ensuite confondre les travailleurs sur leur tâche immédiate qui est de soutenir inconditionnellement la résistance ukrainienne, y compris en exigeant que des armes des pays de l’OTAN soient envoyées à la résistance ukrainienne.

Mais en même temps, nous devons avertir clairement tous les peuples de la région, à commencer par le peuple ukrainien, du danger que représente l’OTAN et montrer l’intérêt qu’il y a à demander le retrait de l'OTAN de tous les pays de l'Est et sa dissolution comme garantie réelle de paix dans la région. Mais on ne peut le faire qu'à partir des tranchées de la Résistance, en la soutenant inconditionnellement.

Une discussion avec la gauche

Une autre discussion se fait avec ceux qui dénoncent l’invasion russe, mais hésitent à soutenir le peuple Ukrainien car sa direction n’est pas révolutionnaire, pour le coup c’est une bourgeoisie nationale, qui est prête à vendre le pays aux pays de l’OTAN et à leurs multinationales, quitte à laisser des morceaux à Poutine. C’est vrai.

Mais si les révolutionnaires ne défendent pas la juste lutte pour l'indépendance d’une nation opprimée, qui va le faire ? Car, c’est un fait, le peuple est en armes, les travailleurs, hommes, femmes, jeunes, vieux, tous sont en armes, à la guerre,  et relèvent  bien haut le drapeau Ukrainien de la mare de sang dans laquelle l’a plongé l’invasion russe.  Qui est au côté du peuple ukrainien sinon la bourgeoisie nationale pro-européenne, pro-Otan ? Qui sinon les quelques groupes de droites, nationalistes voir parfois fascistes ?

Et c’est précisément pour cette raison que les révolutionnaires doivent se joindre au peuple en armes pour la combattre, faire partie de la direction du processus et détruire ces directions bourgeoisies et les groupes fascistes. Il faut le faire tout en conservant son  indépendance de classe, garantir l’indépendance de ses organisations, car, pour réellement réaliser l’indépendance de l’Ukraine, il faudra exproprier la bourgeoisie nationale qui vit de la vente du pays au capitalisme international. Et pour vaincre l’ennemi actuel, l’armée du régime de Poutine, on ne peut pas se passer d’une unité militaire, c'est-à-dire la mise en commun des efforts contre un ennemi plus puissant.  C’est uniquement de cette position que les révolutionnaires pourront expliquer que la solution n’est ni dans une intervention de l’OTAN, ni dans la soumission à l’Union européenne.

Notre politique : une solidarité de classe

De nombreux travailleurs sont contre la guerre et pour la paix. Nous sommes aussi  pour un monde sans guerres, mais nous pensons que seule une victoire de l’Ukraine, indépendante et souveraine sur l’ensemble de son territoire, apportera la paix dans la région. Cela veut dire le retrait des troupes russes et l’arrêt immédiat des bombardements. Comme le dit un activiste ukrainien : « Plus d’unités militaires russes seront détruites, plus nous obtiendrons une paix stable. »[6] .  Pour cela nous pensons que seule la solidarité internationale des travailleurs peut aider la résistance qui a besoin avant tout d’armement offensif lourd pour défendre la population ukrainienne.

Au lendemain de l'invasion, des travailleurs du monde entier ont réagi. Au Royaume-Uni,  les dockers de la raffinerie d'Ellesmere Port, dans le Cheshire, ont refusé de décharger le pétrole russe, faisant écho aux mesures prises par leurs homologues d'un terminal gazier du Kent. Des pompiers ont envoyé plus de 40 véhicules pour soutenir les pompiers en Ukraine, avec plus de 5 000 articles de matériel d'incendie et de secours. Aux États-Unis un syndicat de dockers de la côte ouest refuse de charger ou de décharger tout navire ou cargaison russes. Les travailleurs de Leroy-Merlin en Ukraine ont envoyé une pétition à leur propriétaire, le groupe ADEO, faisant partie de l’Association Familiale Mulliez (qui en Belgique possède Décathlon), pour demander d’arrêter ses activités en Russie, qui génèrent des taxes et donc de l’argent vers le régime de Poutine.

Ici, nous appelons à développer des actions ciblant le régime de Poutine et demandons aux syndicats en Belgique de se solidariser avec les travailleurs ukrainiens et de boycotter tout traitement de marchandises en provenance ou à destination de la Russie. Nous appelons les travailleurs du secteur pétrolier, notamment de Total Energie, encore présente en Russie, à suivre l’exemple de leurs collègues d’autres pays et de boycotter le pétrole et le gaz russe.

Nous demandons au gouvernement belge d’envoyer des F-16 et de l’armement lourd à l’armée Ukrainienne pour leur permettre de se défendre contre la deuxième puissance militaire mondiale.

Il doit également fermer immédiatement l’ambassade de Russie et rompre toutes les relations diplomatiques, commerciales et militaires avec la Russie, sinon il reste complice de cette invasion.

Et enfin, nous répondons positivement à l’appel de Yuri Petrovich Samoilov, président du syndicat des mineurs indépendants de Krivoy Rog, en appelant à soutenir financièrement nos frères et sœurs de classe en Ukraine qui se battent au quotidien. Pour cela nous soutenons un convoi qui partira de France organisé par le syndicat français Sud-Solidaire et brésilien CSP-Conlutas. Pour participer à la récolte de fonds, vous pouvez verser sur notre compte BE83 6528 5492 2215  avec la mention « Ukraine ».

 

[1]Le Soir, 2/04/2022

[2]El financiero, 17 mars, https://www.elfinanciero.com.mx/

[3]Le Soir, 8/04/2022

[4]https://www.jaiunimpact.be/

[5]Le Conseil OTAN-Russie élargit.., https://www.nato.int, 23/04/2013

[6]https://www.greenleft.org.au/content/ukrainian-socialist-future-demilitarisation-lies-stopping-russias-war-machine-now