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Ligue Communiste des Travailleurs

Section belge de la Ligue Internationale des Travailleurs -
Quatrième Internationale (LIT-QI)

« L'émancipation des travailleurs sera l'œuvre des travailleurs eux-mêmes. » K. Marx

Newsletter

12 mai 2015
Secrétariat International de la LIT-QI

Le gouvernement de Syriza retire des fonds des hôpitaux, pour payer la dette publique

Suite à l’accord signé le 20 mars passé entre le gouvernement de Syriza et la « Commission de Bruxelles » (nom « politiquement correct » pour rebaptiser la vieille Troïka, formée par l’Union européenne [UE], la Banque centrale européenne [BCE] et le FMI), une nouvelle ronde de négociations est en cours sur la dette externe grecque. Mais pour que ce nouveau « refinancement », un simple mouvement comptable, se concrétise, le gouvernement grec doit réaliser le payement effectif des intérêts venus à terme.
   Pour garantir ces payements, le gouvernement de Syriza a fait voter au Parlement une loi d’austérité très dure, selon laquelle tous les organismes de l’Etat (depuis les communes jusqu’aux hôpitaux) sont obligés de mettre à disposition du gouvernement leurs fonds de caisse.
   Cette loi a déjà provoqué une rébellion des communes, lors de leur réunion avec le vice-ministre des Finances. [1] Et cela peut générer aussi une grève des travailleurs des hôpitaux qui, si elle se concrétise, serait la première grève contre le gouvernement de Tsipras.

L’espoir se transforme en cauchemar

Ainsi, l’espoir de changement que le peuple grec avait déposé dans le gouvernement de Syriza est en train de se transformer rapidement en prolongement du cauchemar d’appauvrissement et de misère de plus en plus importants dans ce pays depuis plusieurs années.
   Le triomphe de Syriza est le reflet électoral, déformé, de la lutte tenace des travailleurs et du peuple durant toute cette période, jalonnée de 35 grèves générales et d’innombrables mobilisations. C’est ainsi qu’ils sont venus à bout des gouvernements de la Nouvelle Démocratie et du Pasok qui, au service de la Troïka, avaient pillé et mis en faillite le pays. En mettant Syriza au pouvoir, ils ont montré qu’ils voulaient un changement profond de la situation. Et son triomphe a suscité beaucoup de sympathie et d’espoir de la part des populations du monde entier.
   Mais Syriza a sans cesse réduit son programme. Pendant des années, elle a parlé de la nécessité d’« annuler le mémorandum » qui lie la Grèce, pieds et poings, à l’impérialisme, et de promouvoir une « résistance européenne massive ». Durant la dernière campagne électorale, elle avait déjà baissé le ton, mais avait maintenu la promesse « d’en finir avec l’austérité », d’augmenter les impôts aux entreprises et aux riches, et de mettre en œuvre un Plan de Reconstruction Nationale. Et le jour même de son entrée en fonction, elle réduisit ses propositions de changement à 11 mesures – dont une augmentation de salaires de 586 à 751 euros, l’arrêt des privatisations en cours et la révision des privatisations précédentes –, des mesures très limitées, mais qui auraient signifié un certain soulagement pour le peuple grec, en cas d'être appliquées. Puis, suite à l’accord du 20 mars dernier (par lequel Syriza capitule à la Troïka), même ces mesures furent laissées pour compte : on ne parle plus d’augmentation de salaire et, au lieu de cela, le gouvernement retire de l'argent aux hôpitaux et aux autres services de base pour payer la dette externe !
   En même temps, les premiers symptômes de crise commencent à se manifester au sein de Syriza, comme le montre la lettre de l’eurodéputé Manolis Glezos (héros de la résistance contre l’occupation nazi), qui a durement critiqué l’accord de mars dernier avec la Troïka.
   Et lors de la nouvelle ronde de négociations en cours, le gouvernement de Syriza prépare une nouvelle capitulation, dont le remplacement de Yanis Varufakis par Yorgos Juliarakis comme chef de l’équipe de négociateurs, accueillie avec satisfaction par la Commission européenne, est un symptôme, ce dernier étant considéré comme « plus modéré ».

Un gouvernement bourgeois atypique

Pour comprendre le pourquoi de la politique de Syriza, il faut partir de quelques définitions principales. La première concerne le caractère de classe de l’actuel gouvernement, un caractère qui, selon le marxisme, ne doit pas être défini par l’idéologie ou l’origine de classe de ses membres, mais par le caractère de classe de l’Etat qu’il administre et défend. En accord avec ce critère, le caractère de classe du gouvernement de Syriza est, sans aucun doute, celui d’un gouvernement bourgeois qui n’a aucune intention de changer l’Etat capitaliste de la Grèce.
   De ce caractère résulte, qu'Alexis Tsipras n’a eu aucun problème pour se mettre d’accord avec ANEL (Grecs indépendants), le parti bourgeois de droite, et pour l'incorporer au gouvernement ; ni pour soutenir au Parlement, comme Président du pays, l’élection de Prokopis Pavlopoulos (représentant de Nouvelle Démocratie, un parti bourgeois de droite que Syriza venait de vaincre aux élections). Ce soutien à Pavlopoulos, même s’il ne s’agit que d’une fonction essentiellement protocolaire, fut un signal fort du fait que le gouvernement de Tsipras n'allait pas « semer la pagaille ».
   Il s'agit d’un gouvernement bourgeois « atypique » que nous appelons de Front populaire, c'est-à-dire, un gouvernement dans lequel le rôle principal est assumé par des organisations ouvrières ou petites bourgeoises de gauche, dirigeantes du mouvement de masse, qui gouvernent conjointement à des secteurs minoritaires de la bourgeoisie. En fait, le gouvernement de Syriza n’a rien d'une nouveauté historique : c’est l’actualisation de vieilles formules de gouvernements de collaboration de classes, souvent utilisées dans le passé, surtout en période de grande montée du mouvement de masses, pour essayer de garder le cap dans cette situation et de faire chavirer cette montée. A ceci près que la place occupée dans les gouvernements autres fois par les partis sociodémocrates ou les vieux partis communistes est occupée actuellement par de nouvelles formations comme Syriza (ou ceux qui aspirent à ce rôle, comme Podemos en Espagne).
   Ce caractère atypique fait que, d’une part, les masses considèrent ce gouvernement comme le leur, et ont donc besoin de faire leur expérience avec lui. D’autre part, ce n’est pas le gouvernement préféré par l’impérialisme et la bourgeoisie nationale, qui essayeront de revenir vers un gouvernement bourgeois « normal », avec les partis traditionnels. Mais s’ils n’y parviennent pas, ils le tolèrent et en profitent pour que ce gouvernement fasse « la sale besogne ».

Un pays semi-colonial

La deuxième définition est le fait que la Grèce est un pays semi-colonial. C'est-à-dire un pays avec des pactes politiques et économiques qui le subordonnent à l’impérialisme, tels que ceux qui se manifestent dans le caractère de son appartenance à l’Union européenne et à la zone euro (ce qui a eu pour effet, par exemple, la destruction de sa principale industrie : les chantiers navals) ; ou dans les mécanismes de la dette externe et ses conséquences (les sacrifices pour la payer et la supervision permanente de sa politique économique). En ce qui concerne cette subordination à l’impérialisme, la situation de la Grèce est similaire à celle des pays latino-américains. Les politiques imposées à la Grèce ont provoqué le naufrage du pays et vont le noyer encore davantage, comme cela a été le cas pour tous les pays qui se soumettent aux diktats du FMI et des grands créanciers internationaux.
   C’est pour cela que la réponse de la Troïka, et en particulier de la tête de l’impérialisme de l’Union européenne (l’impérialisme allemand), loin de toute « clémence », est si dure et sans concessions. Etant donnée la crise de l'UE, ils ont besoin de montrer la Grèce et le gouvernement de Syriza comme vaincus et à genoux, pour qu’il n’y ait pas de « mauvais exemple » d'expériences électorales inédites et un peu « rebelles » qui pourraient s’étendre à d’autres pays comme le Portugal, l’Espagne et même l’Italie.
   Face à l'alternative incontournable de répondre aux aspirations du peuple grec ou de capituler à la Troïka, le gouvernement de Syriza a opté pour la capitulation ; ce qui prouve, une fois de plus, que tout gouvernement qui ne rompt pas avec la bourgeoisie et l’impérialisme termine – tôt ou tard – par devenir le jouet du capital financier.

Quel doit être la politique des révolutionnaires face au gouvernement de Syriza ?

La LIT-QI a soutenu la lutte du peuple grec contre les gouvernements du PASOK et de Nouvelle Démocratie.
   Nous avons appelé à un vote critique pour Syriza, afin d’accompagner et d'accélérer l’expérience des travailleurs et des masses.
   Maintenant, étant donné le caractère bourgeois du gouvernement de Syriza, nous nous situons en une opposition de gauche et de classe face lui.  Notre appui et notre solidarité inconditionnels concernent la lutte et les aspirations de libération des travailleurs et du peuple grec. Cela signifie que nous ne donnons aucun soutien à ce gouvernement, qui est en train de les trahir. Nous appelons donc à ne déposer aucune confiance dans ce gouvernement, et nous dénoncerons chacune de ses capitulations. Et en même temps, nous lui exigeons qu’il augmente immédiatement les salaires et annule les privatisations, comme il l’avait promis lors de sa campagne électorale.
   Nous exigeons essentiellement qu’il rompe avec l’impérialisme et la bourgeoisie grecque, comme seule issue pour sortir la Grèce de la catastrophe. En ce sens, nous incitons à la mobilisation indépendante des travailleurs et des masses, sur un chemin de luttes qui peut commencer à être tracé par la grève des travailleurs des hôpitaux.
   Nous croyons que la tâche immédiate en Grèce est d’organiser l’opposition ouvrière et populaire pour faire face à ce gouvernement. C’est la seule possibilité pour construire une alternative qui s'oriente vers un vrai gouvernement des travailleurs et du peuple, sur base de ses organisations démocratiques, qui rompe avec le capitalisme.
   En Europe, nous soutenons que la solidarité avec les travailleurs et le peuple grec s’exprime surtout par des mobilisations qui exigent des gouvernements européens l’annulation de la dette externe grecque.
   Nous exigeons aussi du gouvernement allemand qu’il paye les 278 milliards d’euros qui correspondent aux prêts compulsifs que les nazis ont imposés à la Grèce durant l’occupation du pays pendant la deuxième guerre mondiale et aux réparations pour les dégâts causés par cette occupation.
   La situation de la Grèce et d’autres pays met à nu le véritable caractère de l’UE, au service des puissances impérialistes européennes, en particulier l’Allemagne. Cela montre que ces pays tomberont de plus en plus dans la pauvreté et la décadence s’ils n’arrêtent pas de payer la dette externe et ne rompent pas avec l’euro. Finalement, cela montre que l’UE doit être détruite par la lutte des travailleurs et des masses et substituée par une union des travailleurs et des peuples, en une Union européenne de pays socialistes.
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[1] www.elconfidencial.com/mundo/2015-04-24/syriza-exprime-a-grecia-en-busca-de-liquidez_765488/