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Ligue Communiste des Travailleurs

Section belge de la Ligue Internationale des Travailleurs -
Quatrième Internationale (LIT-QI)

« L'émancipation des travailleurs sera l'œuvre des travailleurs eux-mêmes. » K. Marx

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Dans « le poulailler de la démocratie bourgeoise »
les intérêts des propriétaires et ceux des travailleurs

Voici une déclaration du Comité Central du Parti d'Alternative Communiste (PdAC), la section italienne de la LIT, lors de la crise du gouvernement Prodi  en janvier 2008.



1. Après presque deux années d'attaques sans précédent contre les travailleurs, les jeunes, les chômeurs, les immigrés, le gouvernement Prodi est peut-être arrivé à la fin de son parcours. La cause de la fin de ce gouvernement se résume en un choc interne entre des groupes politiques, secteurs et appareils de l'Etat bourgeois (magistrats et parlementaires), un choc entre capitaines, nourri par l'accord manqué autour d'un mécanisme électoral différent capable de garantir, de manière plus efficace, la stabilité parlementaire des coalitions d'alternance bourgeoise. L'incrimination du ministre de la Justice Mastella, et de toute sa famille au sens propre et au sens politique (l'étincelle qui a incendié l'actuel soubresaut), met à nu pour l'énième fois l'entrelacement inextricable entre des affaires licites et illicites dans un système social - le capitalisme - par sa nature basé sur l'exploitation du travail salarié et sur la corruption qui fleurit dans les appareils politiques et étatiques destinés à administrer les bénéfices de la bourgeoisie. Cette crise politique se situe sur fond de crise financière mondiale et dans le cadre plus général de la pourriture de ce système qui, pour augmenter les bénéfices de quelques individus, continue à produire des massacres tant dans les usines que sur le front des guerres coloniales.

2. Les hypothèses de conclusion de cette crise sont multiples : l'acquisition de l'un ou l'autre sénateur pour soutenir le gouvernement dans le marchandage parlementaire habituel ; un gouvernement technique ou institutionnel pour sanctionner une nouvelle loi électorale encore plus trompeuse ; de nouvelles élections dans quelques mois. La conclusion dépendra de la résultante du choc qui a lieu dans ce Parlement, dont convient aujourd'hui plus que jamais la définition consacrée par Rosa Luxemburg de « poulailler de la démocratie bourgeoise ».
   Aucune de ces conclusions n'est avantageuse pour les travailleurs. La persistance de ce gouvernement permettrait à Prodi de mettre en pratique ces mesures de guerre sociale et de guerre militaire que l'impérialisme italien impose au gouvernement (le refinancement des missions militaires sera voté prochainement). Un gouvernement de transition continuerait avec ces politiques et servirait seulement à préparer de nouveaux mécanismes électoraux pour garantir au prochain gouvernement bourgeois une base parlementaire plus solide afin d'éviter ce genre d'accidents et de pouvoir mieux se concentrer sur son travail anti-ouvrier. De nouvelles élections donneraient la victoire à un des deux pôles de l'alternance bourgeoise et à la constitution d'un exécutif qui, indépendamment de qui le dirige, reprendrait le témoin de Prodi et développerait les politiques sollicitées par les patrons pour faire payer la crise économique du capitalisme aux travailleurs.

3. Dans ce cadre, les déclarations des dirigeants de Refondation Communiste s'avèrent grotesques. Après avoir voté et approuvé chaque mesure anti-populaire de Prodi - y compris les mesures racistes et la persécution des immigrés - les dirigeants de Refondation ont déclaré aujourd'hui qu'il s'agirait d'une interruption prématurée de la législature, qui empêcherait cette « grande redistribution sociale », annoncée comme « imminente » depuis maintenant deux ans pour faire avaler les sacrifices aux travailleurs. Giordano [1] a aussi ajouté que la possible chute de Prodi serait due à la conspiration de secteurs présumés « réactionnaires » de la bourgeoisie, alarmés par l'influence exercée par Refondation sur ce gouvernement.
   La réalité est bien différente. La bourgeoisie, ses secteurs principaux, n'ont pas conspiré contre le gouvernement. Au contraire, toute la grande presse bourgeoise (Repubblica, Corriere della Sera, La Stampa, Il Sole 24 Ore) stigmatise aujourd'hui en chœur le pas de Mastella [2].comme « irresponsable ». La grande bourgeoisie a soutenu dès le début ce gouvernement parce qu'elle savait qu'il peut développer une attaque violente contre les travailleurs sans produire une réaction sociale adéquate, au moyen du rôle d'amortisseur développé par les bureaucraties syndicales (CGIL en tête) et les bureaucraties social-démocrates (PRC, SD, PDCI, Verdi [3]). Ce que la grande bourgeoisie préfère aujourd'hui n'est donc pas un retour de Berlusconi (auquel elle se conformerait toutefois, si nécessaire, comme elle a fait dans le passé), mais plutôt un esprit moins oscillant dans le poulailler parlementaire (grâce à une loi électorale différente) et, si possible, la remise en route de cette même formule de gouvernement, éventuellement avec une nouvelle coalition entre le Parti Democrate [4] de Veltroni récemment créé et le futur parti social-démocrate, à la fondation duquel travaillent les quatre partis de la Gauche - l'Arc-en-ciel [5]. N'importe quel gouvernement convient aux patrons, pourvu qu'il soit capable de protéger les bénéfices des entreprises. Et la formule du centre-gauche s'est avérée jusqu'à présent être la plus efficace en ce sens, parce que, dans le jeu de l'alternance entre les deux pôles, c'est elle la meilleure. En tout cas, elle garantit à la bourgeoisie de gagner quoi qu'il en soit, comme un joueur de roulette qui pointerait en même temps sur le rouge et sur le noir, sur le pair et sur l'impair.

4. Les faits de ces mois et les développements de ces jours confirment la leçon de toute l'histoire du mouvement ouvrier, une leçon que nous avons récupérée et défendue depuis la naissance de notre organisation d'une scission de Refondation Communiste en avril 2006 (nous en sommes sortis alors que d'autres dirigeants de ce parti se préparaient à la distribution des postes) : il n'y a pas de gouvernement ami des travailleurs dans le capitalisme, il n'y a pas de possibilité de « conditionner » les gouvernements de la bourgeoisie, le rôle des communistes est de développer l'opposition à chacun de ces gouvernements afin de préparer les relations de force nécessaires pour renverser ce système social et ses gouvernements et ouvrir le chemin vers un gouvernement des travailleurs et pour les travailleurs. C'est un chemin long et difficile mais il est évident qu'il n'y a pas de raccourcis. C'est pourquoi, aujourd'hui, nous confirmons qu'aucune des solutions originaires du poulailler du parlementarisme bourgeois ne peut satisfaire les exigences, même immédiates, des masses populaires. Le centre de gravité du choc n'est pas entre les fauteuils veloutés de Mastella, Dini et D'Alema. Le centre de gravité est dans la lutte de classes dans les rues et dans les lieux de travail, dans la reprise des conflits ouvriers qui ont été noyé durant ces deux années (avec une diminution historique des heures de grève) à cause de l'absence d'un grand syndicat de classe et d'un parti communiste avec influence de masse.
   Il faut donc repartir des luttes et des expériences déjà en cours, d'opposition de classe au gouvernement, pour construire un grand syndicat de combat et non de concertation, et un parti communiste révolutionnaire. Il faut unir les travailleurs, les intérimaires, les chômeurs, les travailleurs immigrés, autour d'une plate-forme de revendications qui met fin à toutes les politiques sociales et militaires des gouvernements de centre-droite et de centre-gauche qui ont alterné durant ces années. Et sur ces bases, il faut construire aussi, là où c'est possible, une représentation du monde du travail dans les institutions bourgeoises, pour les utiliser comme tribune des luttes. Cette tribune nous manque jusqu'à présent, non seulement par la responsabilité des bureaucraties social-démocrates, mais aussi par les oscillations de ces organisations comme Gauche Critique de Turigliatto [6] (qui se définit, non par hasard, comme tendanciellement « à l'opposition ») ou comme les minorités du PRC qui, avec leurs parlementaires, ont soutenu jusqu'à présent les principales mesures du gouvernement ou n'ont pas avancé au-delà d'une logique d'abstentions, de non-participation au vote, ou, tout au plus, au-delà de l'un ou l'autre rare vote contraire (mais seulement quand celui-ci était insignifiant dans l'arithmétique parlementaire).

5. Le centre de gravité de la lutte de classes se trouve hors du Parlement et de ses chocs internes, il se trouve dans le développement des mobilisations des travailleurs. Quant aux élections, très probablement anticipées (ou au prochain printemps ou, dans le cas de gouvernements de transition, au printemps suivant), elles constitueront, dans ce cadre, un moment secondaire mais en tout cas un moment possible de bataille des communistes. Comme PdAC, nous sommes disponibles, dans l'autonomie de notre projet révolutionnaire global, pour la constitution de blocs électoraux avec toutes les forces qui se placent stratégiquement hors des deux pôles de l'alternance bourgeoise et qui seront prêtes à construire une opposition de classe ferme et réelle à la bourgeoisie dans les lieux de travail, dans la rue et aussi dans le Parlement.

Rome, le 22 janvier 2008.

Dernière heure

Le « grand virage réformateur » se termine entre crachats. Refondation Communiste est prêt à des accords, aussi avec Berlusconi. Entre crachats, gifles et corruption, le gouvernement Prodi a finalement été renversé, à défaut du vote de plusieurs groupes de l'Union (Mastella, Dini) et avec le vote contraire du sénateur de Gauche Critique, Turigliatto, qui s'est décidé finalement, après deux années d'appui oscillant au gouvernement, à ne pas garantir la confiance. Cette fois, contrairement aux autres cas, le vote de Turigliatto a certainement été insignifiant pour les chances du gouvernement, étant donné l'avantage de votes, mais cela a été en tout cas un vote juste et louable, bien que tardif.
   Sur les motifs de la crise du gouvernement bourgeois, il n'y a pas beaucoup à ajouter à ce que nous avons écrit ici dans la Déclaration formulée il y a quelques jours. Dans ce texte, écrit peu avant la chute du gouvernement au Sénat, les possibles développements de la situation sont déjà analysés. Les partis bourgeois et les quatre partis social-démocrates de la « Cosa Roja », divisés à leur intérieur et en choc entre eux, cherchent actuellement une solution qui fait retomber une fois de plus les coûts de la crise sur les travailleurs.
   Au premier rang dans cet effort se trouve le groupe dirigeant de Refondation Communiste qui, face à la faillite claire de ses tentatives présumées de « conditionner » le gouvernement de la bourgeoisie, non seulement ne change pas de chemin mais persiste et signe, jusqu'à se déclarer disponible à soutenir avec Berlusconi un gouvernement dit « de transition » qui mène à de nouvelles élections dans lesquelles la social-démocratie unie, alliée avec le Pd de Veltroni, espère avoir quelques possibilités de vaincre pour retourner au gouvernement avec la bourgeoisie et contre les travailleurs. Cette fois aussi, tout cela est fait au nom d'un « grand virage réformateur » comme celui qui a pris fin hier entre les crachats des sénateurs.
   Le véritable virage utile est, par contre, un virage d'opposition de classe, pour construire dans les luttes la seule solution réaliste à la crise : une solution ouvrière. Et dans cette perspective les militants du PdAC continueront à combattre.
___________________________
1 Le secrétaire de Refondation Communiste.
2 Dont le parti - Udeur - a retiré la confiance au gouvernement.
3 Parti de la Refondation Communiste, Gauche Démocrate, Parti des Communistes Italiens, Verts.
4 Résultat de l'unification des héritiers du vieux Parti Communiste et de la vielle Démocratie Chrétienne.
5 Voir note 3.
6 Franco Turigliatto est un sénateur du SU, élu par Refondation Communiste.