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Ligue Communiste des Travailleurs

Section belge de la Ligue Internationale des Travailleurs -
Quatrième Internationale (LIT-QI)

« L'émancipation des travailleurs sera l'œuvre des travailleurs eux-mêmes. » K. Marx

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15.06.2013

Si le tarif [des transports en commun] ne diminue pas, la ville va s'arrêter. – São PauloLes Temps sont en train de changer

Venez tous vous rassembler braves gens
D’où que vous veniez
Et admettez que les eaux
Autour de vous ont monté
Et acceptez que bientôt
Vous serez trempés jusqu’aux os
Et si vous pensez
Qu’il n’y a plus de temps à perdre
Vous feriez mieux de vous mettre à nager
Sinon vous coulerez comme une pierre
Car les temps sont en train de changer.

Bob Dylan - 1964

Une sagesse antique enseigne que Zeus envoya Pandore pour punir Prométhée. Celui ci avait volé le feu pour garantir aux êtres humains, avec ce pouvoir, le droit à la vie. Prométhée avait résisté aux dieux et fut condamné. Il souffrit toutes les malédictions qui avaient été conservées dans la boîte de Pandore. Jusqu'à ce que Zeus décide de fermer la boîte quand à l'intérieur il n'y eut plus que la dernière, mais la plus terrible des malédictions. L'humanité échappa donc au pire des maux, le plus invisible et le plus effrayant: la perte de l'espérance.
Un changement de la marée a commencé. Certes, ce n’est pas encore un changement assuré de l’automne vers le printemps. Dans la terminologie marxiste, nous sommes confrontés à une nouvelle situation à São Paulo, qui a des répercussions à l'échelle nationale. La détérioration de l'équilibre des forces, par un affaiblissement significatif des gouvernements d’Alckmin et de Haddad, durant la dernière semaine, ne permet pas d’apporter des conclusions sur la situation , si l’on se situe à l'échelle nationale.
   Mais à São Paulo il y a, c’est incontestable, une crise politique. Le plus important est que les quatre manifestations de rue dans les dix derniers jours ont été les plus importantes depuis, probablement, août 1992, lorsque la jeunesse est descendue dans les rues pour exiger le départ de Collor. Et la manifestation de lundi 17 juin promet d'être la plus grandiose et imposante de toutes. La brutalité répressive de la police militaire, comparable seulement à la violence des années de dictature militaire, a conduit une nouvelle génération à s’engager dans la lutte. Maintenant, il s’agit aussi de la défense des plus élémentaires libertés démocratiques. Cette nouvelle génération ira défiler dans les rues de Pinheiros. Ils seront, probablement, beaucoup plus nombreux que la semaine dernière. En ayant une énorme volonté de se battre jusqu’à la victoire. Cette volonté, cela est nouveau, elle est puissante, elle est contagieuse.
   La lutte contre la hausse du coût des transports et la solidarité impressionnante contre la répression, suggèrent que s’était accumulée lentement, de manière souterraine, une insatisfaction, voire un mécontentement, qui n'avait pas encore trouvé une opportunité ou un canal d'expression politique. Le jaillissement de la jeunesse dans les rues est, comme tant d'autres fois dans l'histoire du Brésil (1968, 1977, 1983, 1992), la foudre, l’éclair, l'étincelle.
   Dilma a été huée lors de l'ouverture de la Coupe à Brasilia. La lente récupération des salaires effectuée au cours des années 2000 a été interrompue par La stagnation économique de ces dernières années. La pression inflationniste a touché les foyers des travailleurs et des classes moyennes salariées. Contrairement à ce qui s'était passé à Cracolândia, à Pinheirinho, à l'USP,[1] cette fois, la férocité et la sauvagerie de la répression de la PM a déclenché une indignation et une révolte qui ont atteint les foyers et uni les familles dans la défense des étudiants, ont fait irruption dans les usines et gagné la sympathie de la classe ouvrière. Unies, ces forces sociales peuvent gagner. La mobilisation a démontré une telle légitimité qu’elle toucha même les autistes Alckmin et Haddad, bras dessus, bras dessous à Paris, pour l'instant au moins, dans un isolement politique glacial.
   Le contexte économique de cette nouvelle conjoncture n'est pas encore une crise, mais il y a des signes de turbulence à l'horizon. Le Brésil n'est pas en récession, cependant, il est sous la pression du marché mondial. Ces premiers mois de 2013, la balance commerciale a réalisé sa pire performance historique. Nous n'avons pas pour autant de spirale inflationniste incontrôlable. Ni d’inflation incontrôlée. Néanmoins, il est essentiel de comprendre que la perception populaire dominante entre 2004 et 2012 comme quoi la vie était un peu meilleure, est entrain de changer.
   Comme au cours des deux derniers siècles, avec la crise mondiale actuelle, le capitalisme brésilien est fragilisé par son talon d'Achille: les comptes extérieurs. La baisse des exportations aggrave le déficit de la balance courante qui devrait dépasser les 70 milliards de dollars en 2013, pour atteindre 100 milliards de dollars. Ce qui ne peut être couvert par l'afflux de dollars. Les signes de changement dans les flux internationaux de capitaux, des pays périphériques vers les États-Unis, avec une hausse attendue des taux d'intérêt de la FED, sont déjà à l'origine d'une baisse momentanée de la Bourse et d’une hausse du dollar. Cela augmente ainsi les pressions inflationnistes et la Banque centrale a déjà indiqué très clairement que le taux d'intérêt au Brésil continuera également d'augmenter. En un mot, une situation plus instable pour les affaires. De même, les marges de manœuvre des gouvernements au service des monopoles se réduisent. Ce qui indique que les possibilités de négociations et concessions pour la jeunesse et les travailleurs diminuent également.
   Les luttes seront donc dures, très dures, et vont exiger un état d’esprit révolutionnaire pour vaincre. La chose la plus importante est que la jeunesse est de retour dans les rues, et avec une grande force. Elle a apporté ses cris, sa colère, ses chansons, son courage. Elle ouvre la voie à une nouvelle situation. Et l'espoir brille dans le cœur de nous tous.

Valerio Arcary
membre de la direction du PSTU,
la section brésilienne de la LIT-QI
São Paulo, le 15 juin 2013.
(Traduction : L'Insurgé)

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[1] Cracolândia, « le pays du crack », est le surnom d'un quartier du centre de São Paulo. Pinheirinho est une favela de 6000 personnes, expulsées avec sauvagerie le 22 janvier 2012. La USP est l'Université de São Paulo.