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Ligue Communiste des Travailleurs

Section belge de la Ligue Internationale des Travailleurs -
Quatrième Internationale (LIT-QI)

« L'émancipation des travailleurs sera l'œuvre des travailleurs eux-mêmes. » K. Marx

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Batay OuvryeUne Déclaration de Batay Ouvrye,
après le séisme du 12 janvier 2010


ONU en HaïtiEntre les mots creux du gouvernement et les actes concrets d'imposition des impérialistes, le peuple bouleversé, le chaos, la désolation générale, les préoccupations et surtout la peine dépassent l'imaginable.
  De ce séisme du 12 janvier 2010 resteront des images qui tortureront encore longtemps l'esprit, ainsi que les mémoires inaccessibles : de décédés tellement aimés, de villes devenues fantômes, de rires absents...
  Mais il faut, malgré tout, maintenir la tête froide ; il faut poser les problèmes réels, pour visualiser une issue.
  Pour commencer, il faut écarter l'interprétation qui nous laisse croire que ce fut Dieu qui a agi, qu'il s'agit d'une « malédiction ». Cette considération, très forte dans ce peuple tellement croyant, ne laisse toutefois pas voir les véritables causes qui sont totalement naturelles et qui, d'une certaine manière, ont été prévues par des spécialistes. D'une part, cette considération favorise fortement l'augmentation de la résignation face à un tel « acte divin », en nous laissant paralysés et en donnant donc lieu à un attentisme, une aliénation. D'autre part, elle couvre l'absence et l'irresponsabilité de l'Etat, qui a été dûment averti et qui aurait pu faire ce qui est possible, même avec ses maigres moyens, pour essayer de résoudre ne fut ce que quelque chose de certaines des conséquences. Il n'a rien fait !
Il faut donc maintenir la tête froide - dans la mesure du possible - et poser les véritables problèmes pour aboutir alors à des solutions réelles. Trois axes nous aideront à élucider la situation :
  • Le contexte et le moment dans lesquels le séisme nous a surpris
  • Quelques dangers que nous avons devant nous
  • Que faire pour assumer un défi d'une telle envergure ? A partir de l'intérêt de quelle classe ?

Le contexte et le moment dans lesquels le séisme nous a surpris

Il y a quelque temps, le gouvernement, avec la bourgeoisie et ses technocrates, parlait d'une « réactivation de l'économie du pays ». En réalité, ceux qui dans les années 1980, sous Jean-Claude Duvalier, critiquaient haut et fort le « Plan américain pour Haïti », sont les mêmes qui le présentent aujourd'hui comme la bénédiction et qui parlent de l'appliquer sans y changer une virgule ! De ce « plan », il faut savoir que non seulement il a complètement échoué (c'est ce plan qui nous a menés où nous en sommes maintenant) mais, en outre, les classes dominantes ainsi que leur Etat réactionnaire, dans leur désagrégation monumentale, n'ont même pas pu l'appliquer dûment. De nos jours, avec l'approfondissement de la crise, la situation s'est aggravée. Ce marasme économique s'est aggravé avec la dernière saison de cyclones de 2008 : non seulement la construction annoncée d'infrastructures n'a jamais été réalisée mais, en outre, le gouvernement n'a pas non plus pu expliquer la disparition d'une quantité substantielle d'argent qui avait été récoltée pour y remédier.
  Une autre caractéristique du moment était la conjoncture politique : nous étions tant dans la même crise globale de représentativité comme dans celle de légitimité de la tête de l'Etat. Les élections pour sénateurs d'avril 2009 et le taux ridicule de participation (autour de cinq pour cent) le prouvent largement. D'autres élections, de députés et de maires, également démagogiques, allaient avoir lieu fin février. Aujourd'hui, ils les ont annulées. Point barre ! Mais pas mal de conflits s'annonçaient avec l'exécutif qui essayait d'obtenir une majorité presque complète dans les deux chambres et d'assurer ainsi sa permanence, afin de préparer alors les élections présidentielles de fin d'année avec un appareil totalement gagné à sa cause. Un parti appelé « Unité », composé de vils représentants de la canaille mafieuse et criminelle, était ce que Préval avait choisi, pour confirmer la « continuité » de ce processus de bradage total au projet néo-libéral le plus abject de l'impérialisme : un salaire minimum cruel (moins de 2 dollars par jour !), un chômage catastrophique et une domination-répression extrême en étaient les caractéristiques les plus évidentes. Pour le défendre et assurer sa mise en oeuvre, face à l'incapacité chronique des classes dominantes haïtiennes et de leur Etat réactionnaire, les forces militaires de l'ONU étaient ouvertement présentes et accumulaient déjà 6 ans d'occupation concrète, sous prétexte d'« avoir été appelés » par les dirigeants haïtiens eux-mêmes. Six ans ! dans lesquelles la répression augmentait de jour en jour et le rôle de ces forces d'occupation devenait de plus en plus clair.
  Cette « continuité » assurée par Préval arrivait à un moment d'antagonisme suprême entre les politiciens bourgeois qui défendent les différentes fractions dominantes, à tel point que plusieurs de ces organisations, partis ou plates-formes d'« opposition » projetaient de ne pas participer aux prochaines élections de février en alléguant une fraude depuis le début du processus électoral. Le « chef » principal et véritable de ce processus dominant, l'impérialisme (particulièrement l'étasunien), avait certainement quelques contradictions avec un Etat tellement maffieux et criminel auquel était arrivé l'exécutif de Préval, et ce, parce que son appétit allait encore plus loin ! Mais ces derniers moments, il le soutenait encore clairement, assuré par la présence des troupes internationales et la soumission tacite du commando brésilien.
  Tout ceci nous rappelle que nous étions à un moment réellement explosif de véritable bataille politique entre les fractions dominantes. Le séisme du 12 janvier, bien que masquant, d'une certaine manière, ces contradictions, ne les élimine en réalité d'aucune façon. Plusieurs de ces plates-formes d'« opposition » demandent effectivement déjà en ce moment le renoncement de Préval ou, au moins, l'« ampliation du gouvernement ».
Face à tout ceci, il y avait les masses populaires. A plusieurs reprises elles ont montré que ce qui était en jeu dans ou autour du pouvoir, ne les concernait pas. Leur absence forte et méprisante lors des dernières élections d'avril 2009 a été bien claire. Elles ont démontré ainsi qu'elles comprenaient les différents « jeux » dominants et elles s'en sont distanciées. Et peu avant le 12 janvier, à part quelques opportunistes qui soutenaient le processus dominant, la grande majorité des travailleurs et des masses populaires en général se préparaient de toute façon, en silence, au boycott.
  Cette attitude menait toutefois à des contradictions importantes. D'une part, on voyait clairement que l'exécutif ne pouvait pas continuer à gouverner de cette manière, mais on comprenait aussi que l'engrenage où il s'était engagé ne lui permettait pas d'en sortir. Bref : ils n'avaient pas de solution ! Ils étaient donc au bout du rouleau ! Et la putréfaction devenait définitive. Mais les masses, pour leur part, se rendaient compte aussi que cette putréfaction menait le pays - et elles-mêmes surtout - à l'abîme. Le manque d'une capacité subjective de s'y opposer était alors manifeste.
  Malgré cela, les masses combattaient dans la mesure du possible, d'une manière encore partielle et atomisée, bien sur, mais avec décision. Et c'était cela une des caractéristiques les plus importantes de ce moment : le renouveau de la mobilisation. Il y a eu la mobilisation brutale de la faim en avril le 2008, la forte mobilisation des travailleurs du textile pour l'augmentation du salaire minimal à 200 gourdes, celle des gens qui avaient perdu de l'argent et des biens dans ces coopératives frauduleuses, la mobilisation des employés des services publics pour le salaire non-payé depuis des mois, la mobilisation décidée des étudiants, et les grandes mobilisations globales tant face au processus de privatisation des services publics comme contre l'occupation. Face à toutes ces revendications bien légitimes et justes, le pouvoir n'a pas eu d'autre réponse que celle de toujours : la répression ! Que ce soit par la police nationale ou par la Minustah, il n'y a qu'une seule réponse : répression ! C'est une réaction de plus qui nous enseignait le degré de décadence à laquelle s'accrochait le pouvoir, de plus en plus réactionnaire. Et tout à coup, on a connu de nouveau l'époque des assassinats, de triste mémoire de l'époque des Duvalier, des assassinats politiques de militants progressistes qui dirigeaient les différentes luttes mentionnées.
  Nous devons nous rappeler clairement de ce contexte dans lequel se trouvait la formation sociale haïtienne lors du séisme du 12 janvier. Nous devons nous rendre compte, au-delà de la douleur et des peines, que le chaos et l'incapacité d'envisager l'avenir du jour au jour - sans parler de demain - n'ont pas disparu pour nous, pour le peuple.
  En même temps, nous devons voir clairement les contradictions dans le flanc ennemi. Nous devons être conscients qu'ils vont utiliser de nouveau ces contradictions pour essayer encore une fois de créer le mystère. Ils vont essayer de créer le mystère, précisément, pour essayer de cacher les contradictions fondamentales qui nous différencient fondamentalement d'eux. Bien que la contradiction Lavalas-GNB ait disparu presque complètement, bien que celle de Lavalas-Lespwa soit en train de disparaître, bien que l'« opposition » bourgeoise ne soit pas tellement active face à cette catastrophe « commune », bien que de nos jours ils aient peut-être quelque difficulté à construire d'autres contradictions... ils devront toujours en proposer une autre pour nous diviser. Et le populisme, par nature, fera à nouveau fonctionner ses tares.
  Les contradictions des masses populaires avec leurs ennemis de classe, malgré la déviation objective amenée par le séisme, restent présentes dans la formation sociale haïtienne. Elles restent explosives ! A tout moment, un soulèvement est possible !
Dans ce cadre, de la même manière que le séisme a dégagé le terrain pour qu'une autre alternative politique se développe, de la même manière, si celle-ci n'arrive pas à se concrétiser, la putréfaction mènera la formation sociale haïtienne qui nous occupe à un abîme infini. Le retard peut alors être fatal !
  C'est dans ce contexte tellement complexe - et compliqué - qu'en une minute, le séisme et sa dévastation tellement profonde sont apparus... Une situation double.

Quelques dangers que nous avons devant nous

Dans le cadre de la situation générale que nous venons de rappeler, dans le cadre du projet de domination et d'exploitation sans limite, propre de l'impérialisme et des classes dominantes (qui est toujours là !), malgré tous les types d'« aide » qu'ils sont en train de fournir, la misère va augmenter ! Quelques usines textiles, par exemple, ont réouvert leurs portes et là, avec le même salaire, ils ont doublé les rythmes de production : les propriétaires disent « qu'il y a du retard » ! Certains commerces, services et entreprises locales profitent de la situation pour ne pas payer le salaire minimal qui est dû, en alléguant « qu'ils n'en ont pas les moyens » !
  Entre-temps, l'impérialisme nous envahit de plus en plus et avec davantage de force, sous la couverture inattendue, bien sur, de l'aide « humanitaire ». Il est vrai, dans les conditions où se trouve le pays, nous avons besoin d'une aide « humanitaire ». Toutefois, ce dont nous avons vraiment besoin, c'est d'une solidarité réelle. De nos jours, le monde, tel qu'il est, ne permet pas qu'une solidarité humanitaire se manifeste à un tel degré naturel d'envergure, mais cette solidarité existe, oui ! Plusieurs camarades de notre classe, de notre camp, se sont mobilisés et continuent à se mobiliser dans le cadre de cette solidarité dont nous parlons. Ils le font avec des positions politiques claires sur ce qui se passe globalement, sur la façon dont cela se passe, et, de cette façon, ils contribuent activement pour le clarifier encore davantage.
  L'« aide humanitaire » que nous recevons aujourd'hui, en est une avec laquelle ils font ce qui est possible pour trouver des morts, traiter des patients, prendre soin d'enfants, etc. Pour cela, ils envoient des médecins avec des médicaments, de la nourriture, de l'eau, des abris. Mais cela, c'est la couverture. A vrai dire, et à long terme, c'est une « aide » qu'ils utilisent pour consolider leur domination et pour l'approfondir encore davantage. Les Etasuniens, par exemple, les principaux protagonistes de cette aide « humanitaire », sont arrivés avec une force militaire extraordinaire ! Ils ont plus de 16 mille combattants ! Sur terre ou dans des navires de guerre, avec du matériel de guerre, ils arrivent en sortant des porte-avions. Des porte-avions ! Ce qui veut dire des avions, autrement dit, des bombardements tôt ou tard. Ils patrouillent de jour comme de nuit et, sous le prétexte d'apporter la « sécurité », ils contrôlent toute réunion en lieu public, surtout dans les quartiers populaires.
  En même temps, il est clair que cette « aide », c'est-à-dire cette implantation du contrôle territorial, correspond aux objectifs géopolitiques de ces impérialistes dans le cadre de leur plan de contrôle de la région : comme preuve, il suffit de voir tant la permanence des différentes bases en Amérique latine, comme la réactivation de la Quatrième flotte, comme les derniers accords signés par Obama avec Uribe en Colombie. Le Haïti devient un point clef central inattendu (bien que désiré depuis belle lurette). En passant par la dépendance qu'ils développent dans le peuple au moyen de ce processus, en fin de compte tellement déshumanisant, ils transforment ouvertement l'occupation en une tutelle, dont ils prétendent qu'elle soit définitive (pour un temps « utile », comme ils disent maintenant). En ce sens, quand le Premier ministre fantoche dit : « qu'il est vrai que nous perdons "un peu" de notre souveraineté », c'est un mensonge pur et simple. De nos jours, en Haïti, nous avons perdu complètement toute la souveraineté !
  Il faut se rappeler aussi que cette domination a déjà conduit à un échec cuisant. C'est elle, précisément, qui nous a menés à la situation chaotique sur place. A cet effet, nous devons nous demander : la « reconstruction » dont ils parlent sera dans l'intérêt de qui, de quels gens, de quelle classe ? Pour nous, c'est clair : cette reconstruction sera faite contre nous ! Pour commencer, comme c'est déjà la pratique des gérants bourgeois d'ici, représentants inconditionnels des intérêts des multinationales, ce sera avec le salaire de misère que nous connaissons. Clinton lui-même vient d'être démasqué, en déclarant pour les capitalistes que « c'est le moment de faire de l'argent en Haïti » !. Ce sera avec le salaire de misère réelle que nous connaissons, et le pillage des dernières réserves naturelles qui nous restent dans ce territoire tellement détruit. Parallèlement, ils le feront en soutenant cet appareil étatique sordide en place. Avec la présence accrue de leur force militaire, c'est donc sur cette putréfaction suprême qu'ils vont se baser, le temps de mettre en oeuvre rapidement son remplacement par des coordinations internationales. Avec la préoccupation morale qu'ils doivent résoudre, et soutenus dans une propagande de mystification de haut degré, ils continuent à avancer dans ce projet historique qui est le leur par nature.
  En considérant les contradictions qu'ils ont avec l'Etat mafieux et criminel qu'à la fois ils supportaient, on se demande alors : quels sont les arrangements concrets qu'ils ont en tête, quels sont les intérêts précis qu'ils développent actuellement ?
  Cette « aide », avec l'agressivité tellement évidente des Etasuniens, entraîne des contradictions aussi entre les différents pays impérialistes. Bien sûr, l'hégémonie étasunienne tend à réduire les contradictions en cours. Mais ceci ne doit pas nous distraire. Il faut les prendre tels qu'ils sont, et être vigilant, face à eux. Un danger d'une ampleur réelle est qu'au-dessus des décisions des Haïtiens, les impérialistes vont essayer de décider seulement entre eux, bien que chacun parle de le faire « avec les institutions légales en place ».
  A côté de l'Etat putréfié précisément « en place », ceci nous mène directement à l'utilisation des ONG. Celles-ci, qui ont toujours dévié les masses populaires de leurs mobilisations de lutte, qui ont toujours apporté une différenciation de salaire pour leurs employés locaux (ce qui les aidait à se séparer progressivement de leurs origines de classe), qui se sont imposées dans tout ce qui se référait à la santé, l'éducation et le social en général, ces ONG représentent de nos jours une autre forme dont se vêtira la tutelle.
  Pour faire face à ce défi si énorme qui se présente à nous, il faudra prendre en considération tous ces dangers.

Que faire pour faire face à ce défi ? A partir de l'intérêt de quelle classe ?

Depuis le début de la période historique qui commence avec la sortie de Jean-Claude Duvalier en 1986, le défi était déjà très grand pour les masses populaires, les travailleurs, la classe ouvrière. De nos jours, il l'est encore plus. Il est indispensable de réunir alors tout notre courage pour lui faire face dûment.
  Nous mentionnons quelques dangers importants. Pour y faire face, nous devons permettre de les comprendre rapidement et bien. A l'heure actuelle, avec les conséquences terribles du séisme, ce ne sera pas facile. Nous devrons trouver la meilleure façon pour transmettre nos messages et les articuler avec la réalité vécue concrète de chaque endroit, à chaque moment. Il faudra articuler la compréhension de la situation avec l'obligation d'y faire face : aujourd'hui, plus que jamais, il faut articuler le mieux possible l'agitation et la propagande. La meilleure manière trouvée devra chercher que les masses soient disposées à comprendre la situation, dans le but qu'elles soient disposées à lui faire face.
  Notre présence directe entre les masses, la présence directe de tous les travailleurs, des ouvriers les plus conscients, de chaque progressiste conséquent, doit permettre d'avancer vers cet objectif. Il ne doit pas y avoir d'« attente » statique en ce qui concerne la soi-disant « aide », et il ne faut pas non plus se décourager. L'ennemi compte avec notre découragement, il espère que nous restions à l'attente, il compte avec la dépendance des masses envers eux, une dépendance qui de fait augmentera si nous laissons s'échapper le contrôle de ce processus.
  Bien sûr, nous devons vivre ! Surtout après une catastrophe si terrible. Mais notre vie comme travailleur, comme peuple, est aussi une bataille ! Plus encore après une catastrophe si terrible. Dans notre stratégie de vie, dans notre stratégie pour appliquer la ligne correcte du moment, nous devons donner une grande importance aux dangers que nous mentionnons précédemment. Nous devons permettre de comprendre le véritable « jeu » qui s'articule, de toutes les manières possibles, avec notre présence directe dans les quartiers encore debout, dans les places publiques occupées, dans les usines et les industries déjà en fonctionnement, dans la presse, dans nos propres familles. Partout nous devons faire connaître et dénoncer cette catastrophe si terrible qui nous attend et qui se propose de détruire ce qui reste de notre pays comme tel.
  Comme nous l'avons déjà dit, on est en train d'articuler pas mal de choses négatives. Pour y faire face, il faut avoir comme axe central les intérêts des travailleurs, d'une manière positive. Il faudra transformer le négatif en positif. Pour ceci, encore une fois, les intérêts des travailleurs doivent être au-dessus de tout. Pour ceci, nous devons réfléchir et comprendre comment ces intérêts vont être affectés par la catastrophe, ce qui nous impose de calculer les conséquences matérielles, économiques et politiques du séisme et de calculer aussi comment les classes ennemies prétendent en tirer profit et s'organisent à tel effet. Notre présence militante parmi les masses doit, finalement, se manifester rapidement et avec beaucoup de force dans la scène politique elle-même.
  Entre-temps, et à tous les moments à venir, il doit y avoir, il doit se développer davantage encore entre nous et les masses une solidarité constante et de toute forme. Ceci nous impose à prendre des initiatives, dans le pays comme à l'extérieur. A son tour, ceci nous demande de pouvoir recevoir la solidarité qui provient de nos camarades, amis, alliés. Nous devons nous organiser pour cela. Encore une fois, nous faisons une différence claire entre cette solidarité et l'« aide » que nous laissent les impérialistes. Certainement, cette solidarité représentera très peu face à l'« aide » qui arrive, mais elle est fondamentale. Nous devons la considérer avec un esprit de lutte, en même temps qu'avec l'objectif de construire le Camp du Peuple, le seul camp qui peut sortir le pays de l'abîme où il s'est trouvé, le seul qui peut sortir l'humanité de la tragédie qui de nos jours est la sienne.
  Toutefois, bien que conscients de tous les problèmes que cette « aide » entraîne, bien que conscients des déviations qui l'accompagnent, il faut lui trouver une manière d'être rentable pour nous, pour les masses populaires. Pour commencer, il faut se battre pour qu'elle arrive là où nous sommes, dans tous les lieus où elle est nécessaire. Donc, quand elle arrive, nous devons être préparés pour qu'elle soit reçue par nous, distribuée par nous. Il doit y avoir des comités pour cela. Ces comités doivent être autonomes. De cette façon, ils laisseront des bases pour construire et développer des organisations autonomes des masses populaires. Là aussi, nous devons combattre ceux qui s'organisent pour en tirer un bénéfice propre uniquement, ceux qui se sont toujours caractérisés comme étant les malicieux de toujours. Dans ces circonstances si terribles, il faut convaincre, dans la mesure du possible, ceux qui peuvent avoir une certaine conscience que les agissements de ces profiteurs ne sont pas corrects, de s'intégrer dans notre processus, et pour les profiteurs qui insistent, il faut combattre leurs agissements, de bonne manière. Nos comités doivent être honnêtes, sérieux, clairs, collectifs, organisés de la meilleure manière, fermes, dynamiques et combatifs. Nos comités doivent être combatifs car, outre les agissements négatifs du moment parmi des gens aliénés des masses, nous devrons faire face, surtout, à l'offensive des classes dominantes, dans le cadre de leur projet de domination et d'exploitation qui se trouve toujours, et peut-être plus que jamais, en place. Pour cela, nos comités de réception de l'« aide », doivent se transformer consciemment en comités de lutte, que ce soit comme brigades de résistance face aux malicieux ou, encore une fois et surtout, face aux manœuvres des classes dominantes et leur Etat réactionnaire, ceux dont, par exemple, nous savons qu'ils projettent de nous déplacer déjà dans des « camps de sinistrés », loin de la ville, loin d'où nous vivions, sans se soucier de comment et où nous travaillerons, sans écoles, ni parler d'université ou autres centres sociaux de notre convenance... sans aucune préoccupation de comment nous allons vivre.
  Pour tout ceci, en plus de mettre sur pied le plus rapidement possible nos comités, il y faut tendre déjà à une coordination effective entre eux, dans le cadre de notre bataille d'aujourd'hui comme pour le futur. Pour tout ceci, les principaux responsables, dûment choisis par tous, doivent centraliser déjà et synthétiser les demandes, les aspirations et les revendications de tous, et les restituer alors de nouveau d'une manière organisée à tous, de façon plus avancée et sous forme de projets. Ainsi, nous ferons de notre pratique interne une activité plus dynamique, de sorte que, une fois mieux organisés et forts, nous parvenions à faire face correctement à l'ennemi et son projet contraire.
  Il faut être conscient aussi que, dans leur logique délabrée, les classes dominantes disent « Port-au-prince est détruit », là au il faut dire que « le pays est détruit » ! Il ne faut pas en rester là ! Cette logique, en plus de se baser sur l'incapacité de l'Etat, tend à favoriser encore plus son désir de centralisation du pouvoir, son objectif de maintenir son pouvoir, grâce aux armées étrangères de tout type qui s'y trouvent plus concentrées. Il ne faut pas en rester là ! Nous, nous devons diffuser et appliquer notre compréhension de la situation et notre conception d'action dans tout le pays, sur tout le territoire ! Les militants et les travailleurs conscients doivent profiter du mouvement centrifuge des grandes masses pour porter partout la compréhension et la mobilisation adéquate.
  Avec tout ceci, nous devons, le plus tôt possible, avancer de nouveau dans les luttes globales qui nous touchaient et qui doivent plus que jamais être actuelles. Contre la privatisation, contre la domination... contre l'occupation ! Parallèlement, et en même temps, il faut retourner autant de possible aux principales revendications de chaque classe de notre camp, de chaque secteur des masses populaires. De fait, la réforme agraire doit se faire sans délai et solidement, les écoles doivent évoluer de manière totalement positive pour nous, de même que l'université, nos quartiers, nos salaires, les services publics pour nous... Et pour commencer : tout le monde doit être au travail ! Et ainsi, tous ceux qui sont en état de travailler auront un futur assuré, dans un plan général et bien articulé entre travail agricole, industriel, technique et de services. Il faut un plan général avec les intérêts des travailleurs assurés de façon adéquate, sous contrôle des travailleurs, sous notre contrôle.
  Pour tout ceci, nous devons être pleinement conscients que l'Etat actuel ne pourra pas le faire, ne voudra pas le faire. Ce n'est pas notre Etat, ce n'est pas l'Etat des travailleurs. Au contraire, c'est un Etat des classes dominantes, un Etat bourgeois, un Etat pro-impérialiste, un Etat contre les travailleurs, contre le peuple. Le contexte dans lequel le séisme nous a bouleversés, et que nous avons rappelé plus haut, peut le démontrer facilement. cet Etat n'est pas là pour servir nos intérêts, pour nous permettre d'atteindre nos objectifs, ni même de façon minimale. Si nous voulons pouvoir réaliser concrètement nos intérêts à court terme, à moyen terme et à long terme, nous avons besoin d'un autre Etat ! Nous avons besoin de notre Etat !
  Comme on peut le comprendre facilement, pour tout cela, il faudra lutter. La « reconstruction » dont ils parlent, sera faite sur un terrain politique national concret. Comme nous l'avons déjà mentionné, les classes dominantes, avec l'impérialisme, travaillent pour créer des conditions pour consolider leur propre politique. Ils n'ont aucun intérêt que la « reconstruction » se fasse hors de ce plan, avec nos intérêts en vue. Ce sont eux qui, il y a déjà plus de deux cent ans, ont « construit » ces ordures que nous avons de nos jours. Nous devons avancer dans la construction de notre pays avec nos intérêts en vue, à partir des intérêts des masses populaires, des intérêts des travailleurs. Cela n'a été jamais fait ici. Et c'est cela la seule solution pour sortir le pays de l'abîme où ils l'ont mis.
  Pour cela, nous devons avoir notre ligne stratégique et tactique et la développer. Nous devons sortir des revendications d'aujourd'hui, en tendant à nos objectifs de long terme, avec une ligne tactique et une articulation précises. Par exemple, si nous voulons arriver au contrôle des travailleurs dont nous parlons et auquel nous aspirons tous, après une catastrophe si terrible, allons-nous accepter de nouveau dans le textile les misérables 125 gourdes qu'ils nous avaient déjà imposées ? Et les autres travailleurs, accepteront-ils de retourner avec ces misérables 200 gourdes imposées ? non ! Dorénavant, le salaire ne peut déjà plus être de misère comme avant ! Pour pouvoir nous-mêmes sortir de cette situation de calamité où nous nous trouvons aujourd'hui, nous devrons lutter ! Lutter pour que puissions sortir de cela nous-mêmes, sans rester dans l'attente qu'ils viennent « nous aider ». Bien que puissions, par nécessité extrême, accepter ce qu'ils nous viennent offrir aujourd'hui, nous devons trouver la manière de sortir de cette éternelle situation où eux-mêmes nous ont mis ! Nous devons sortir de cette situation où les bourgeois font toujours ce qu'ils veulent avec nous et où l'Etat ne fait pas autre chose que soutenir ces sang-sues !

En combattant pour nos revendications immédiates, nous nous organiserons pour la suite.

Les ouvriers, les travailleurs et les progressistes conséquents doivent travailler sans trêve pour que toutes les masses populaires s'intéressent à ces questions fondamentales et se compromettent, décidément, à les résoudre, en sortant, pour commencer, de la logique d'attendre qu'on le fasse pour nous, puisque nous nous rendons compte clairement - nous le savons très bien parce que nous l'avons vécu dans la période précédente au séisme - que leur plan, partiel ou global, n'est pas le nôtre.

  Etant conscients, et affirmant d'emblée, que notre construction-reconstruction réelle se situe principalement dans notre plan stratégique, nous ne pouvons pas non plus être absents dans cette affaire maintenant et laisser simplement que les impérialistes, avec la putréfaction de l'Etat d'ici, se chargent de la développer seuls et de mener ainsi facilement l'eau à leur moulin.
  D'entrée, nous devons poser que cette reconstruction est non seulement physique (infrastructures, services à nous restituer, logement bon et correct, transport adéquat, des relations étudiées et fluides entre les différentes parties de la ville qui nous concernent...) mais aussi, et surtout, qu'il s'agit de toutes ces relations sociales. Le projet de reconstruction est avant tout un projet social, avec une nouvelle conception du développement agricole et industriel, ses articulations, où un Etat fort et capable décidera de manière autonome des formes concrètes de mobilisation du Capital, avec une politique étrangère complètement nouvelle et radicalement différente, en commençant par la fin de l'occupation du pays, récupérant ainsi sa souveraineté complète : souveraineté administrative, souveraineté alimentaire, souveraineté complète dans le cadre de nos décisions fondamentales... souveraineté politique !
  Dans ce cadre et pour tout cela, il faut de nouvelles relations sociales dans la production et dans la vie en général. Si ce nouvel Etat continue alors à avoir besoin d'une « aide », ce qui peut peut-être toujours arriver, ce sera fait selon une nouvelle conception où la pratique en cours sera, comme nous avons déjà dit, une pratique de solidarité réelle, celle qui existe entre travailleurs, entre peuples naturellement frères.
  Sans cette bataille, l'Etat au « pouvoir » sera toujours laquais et vil. Avec l'Etat actuel, la « reconstruction » se fera avec une dépendance mortelle, sous une occupation effective qui se transforme en tutelle objective, qui augmentera jour après jour, malgré tous les mots de mystification des « dirigeants », des mots qui expriment simplement qu'ils n'ont pas encore reçu la quantité attendue pour se remplir les poches.
  Avec les intérêts des travailleurs toujours en vue, nous, du camp du Peuple, nous allons réaliser ensemble la reconstruction nécessaire. A Batay Ouvriye, nous travaillons en ce sens. Notre pratique face à la catastrophe doit nous mener ensemble sur la scène politique. De la même façon, notre pratique face à la catastrophe doit s'insérer dans celle que nous avions toujours, tandis que cette dernière doit s'épanouir de nouveau : un double mouvement, la seule manière d'envahir cette scène politique de manière réellement autonome. Prendre l'ennemi en tenaille : c'est de cela qu'il s'agit.
  Avec la même conception dialectique, la pratique de lutte à ce sujet doit être menée aussi sur le terrain international. Bien articulées, les deux doivent trouver dès maintenant un rythme de nouveau en phase. Toutes les organisations progressistes du pays devraient étudier cette proposition transitoire et, dans la mesure du possible, commencer à l'appliquer dès maintenant, chaque fois qu'elles la trouvent juste. Une coordination effective sera alors requise de manière adéquate, en respectant l'autonomie de chacun mais clairement comme pas additionnel, quoique très important, dans la formation du camp du Peuple.
  Nous devons dire qu'une telle pratique est déjà en cours, non seulement sur le terrain lui-même mais aussi internationalement. La solidarité réelle est en marche en Amérique latine, en Europe, en Afrique... et même aux Etats-Unis. Cela se fait en incluant à la fois quelques rapprochements politiques, initiaux ou en confirmant ce qui est précédemment établi. Ensemble, avec nos camarades solidaires, nous continuons à avancer fermement.
Entre-temps, à l'intérieur du pays, nous les ouvriers, les travailleurs de tout type, les progressistes conséquents, nous devons continuer à avancer ! Dans la lutte de maintenant et vers l'objectif de nos buts plus profonds. L'ennemi a de nos jours une capacité répressive bien plus grande, grâce à toutes les armées qui ont débarqué sans demander l'autorisation, sous le prétexte de « l'aide humanitaire ». Mais, justement, pour pouvoir continuer en vie, politiquement, ce n'est qu'en avançant que nous assurerons cette capacité.
Sans trêve et avec force, nous devons faire savoir clairement à tous
CONTRE QUOI nous sommes !
Sans trêve et avec force, nous devons faire savoir clairement à tous
POUR QUOI NOUS COMBATTONS !
Sans trêve et avec force, MAINTENANT,
rapidement et de façon continue, nous devons mettre au clair pour tous
ce que nous sommes en train de faire,
pendant que nous essayerons que davantage de gens s'unissent à nous en cela,
d'une manière structurée et bien organisée !
Sans trêve et avec force, combattons JUSQU'A LA VICTOIRE !

VIVE LA LUTTE DU PEUPLE HAITIEN !
VIVE LA LUTTE DES TRAVAILLEURS !
VIVE LA LUTTE DE LA CLASSE OUVRIÈRE !
VIVE LA SOLIDARITE NATIONALE ET INTERNATIONALE ENTRE LES TRAVAILLEURS !

Si vraiment nous accusons un coup dur qui s'ajoute encore à la vie misérable que nous avions, IL FAUT SE METTRE DEBOUT, AVEC NOS INTERÊTS TOUJOURS EN VUE !
Notre vie est faite de travail mais aussi de BATAILLE !
De nos jours, faisons-en un objectif clair pour guérir le pays UNE FOIS POUR TOUTES !
Port-au- prince, le 7 février 2010