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Ligue Communiste des Travailleurs

Section belge de la Ligue Internationale des Travailleurs -
Quatrième Internationale (LIT-QI)

« L'émancipation des travailleurs sera l'œuvre des travailleurs eux-mêmes. » K. Marx

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10 septembre 2013

L’intervention criminelle impérialiste se complique

Il y a quelques semaines, une intervention impérialiste « précise et limitée » en Syrie semblait imminente. « J'ai décidé que les Etats-Unis doivent agir militairement en Syrie », voilà le défi proclamé par Obama. Tout indiquait que même en l’absence de couverture par l'ONU et l'OTAN, l'intervention aurait lieu, au moins avec le soutien du Royaume-Uni, son principal allié, et celui de la France.
   Mais les choses se sont enlisées, et ce qui était imminent devint incertain. Le 29 août dernier, le parlement britannique bloqua les intentions du Premier ministre, David Cameron, d'attaquer un pays étranger. Cela n'arrive pas souvent dans l'histoire. Pris au piège aux yeux du monde entier, Cameron n'avait d'autre choix que de « respecter » la décision du parlement, ce qui ne manquait pas de compliquer les plans qu'Obama avait annoncés en grande pompe. Selon les sondages, seuls 25 % des Britanniques seraient favorable à une intervention militaire en Syrie.
   Par la suite, en France, l'opposition à Hollande a commencé à faire pression pour que toute décision militaire soit approuvée par l'Assemblée nationale, chose inédite dans l'un des pays d’Europe où les prérogatives présidentielles sont des plus amples. Le président français avait déjà vu d'un bon oeil l'occasion de participer à une entreprise qui pouvait lui donner une meilleure position au Moyen-Orient et sur la scène internationale, en particulier avec la sortie de scène inattendue du Royaume-Uni. Il semblait avoir contourné cet obstacle en restant ferme face à l'opposition et en appelant à un simple « débat informatif extraordinaire » au parlement français. Toutefois, ces frictions jetèrent une ombre de doutes sur l'opportunité de cette décision, ce qui augmenta la pression sur Hollande.
   Ce n'est pas par hasard si celui-ci a tempéré son discours et  essaye de maintenir une certaine distance par rapport à l'intransigeance et à la hâte de son homologue américain pour en découdre avec la Syrie, en utilisant des arguments tels qu’« attendre le rapport de l'ONU sur l'utilisation des armes chimiques » ou en insistant sur « la recherche d'un consensus international le plus large possible ». Mais il est clair qu'Hollande serait prêt à accompagner une action étasunienne. En France, selon les sondages, 68 % de la population est contre l'engagement militaire du pays en Syrie.
   Et, cerise sur le gâteau, les contradictions dans les salons impérialistes en arrivent au point que le pape François lui-même s'est prononcé contre l'intervention militaire.
   C'est dans ces conditions qu'Obama est arrivé à la réunion du G-20, où il n'a pas non plus obtenu un soutien catégorique à ses plans militaires. Il n'en est pas revenu les mains vides, mais a dû se contenter d'une déclaration signée par une dizaine de pays (l'Espagne, la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Italie, la Turquie, le Japon, la Corée du Sud, l'Arabie saoudite et l'Australie), selon laquelle, en général, le régime d'Al Assad mérite une « réponse incisive », sans toutefois définir clairement quand et comment.

Les difficultés d'Obama au Congrès étasunien

Les alliances se rétrécissant comme peau de chagrin, Obama a annoncé, le samedi 31 août, qu'il soumettrait sa décision au Congrès. C'est chose inédite, au moins dans l'histoire récente, quand il s'agit d'interventions militaires. C'est sans doute un geste risqué, car il y a un éventail d'intérêts et un ample secteur d'opposition au Capitole, mais c'est aussi un coup habile, car il jette le poids de la décision, avec tous ses coûts politiques, sur le Congrès. D'autre part, le Congrès étasunien étant en vacances, la décision d'attaquer ou pas pourrait prendre plusieurs jours.
   Malgré les déclarations d'Obama minimisant le refus britannique d'appuyer ses plans militaires, et la réaffirmation d'agir éventuellement seul, le fait est qu'une incertitude s'est installée dans les cercles politiques les plus élevés.
   Dans ce contexte, Obama a commencé une série de consultations avec John Boehner et Nancy Pelosi, les leaders parlementaires respectifs du parti républicain et du parti démocrate. Ils ont tous deux promis leur soutien, mais sans garantir pleinement la discipline de leurs groupes.
   Engagé dans une voie sans issue, où la « crédibilité » elle-même de la première puissance militaire du monde est en cause, John Kerry, le secrétaire d'Etat, multiplie jour après jour les déclarations. Il exhorte vivement les parlementaires : « La crédibilité américaine est en jeu et le Congrès fera ce qu'il faut. » Et il insiste : « Nous devons montrer que ce pays est uni et agit de façon unitaire pour la défense de ses intérêts. »
   Même John McCain, sénateur républicain bien connu et adversaire d'Obama, se fait l’écho de ces appels. A la sortie d'une réunion à la Maison Blanche, il dit : « Si le Congrès devait rejeter une résolution de ce genre, après que le président étasunien se soit engagé à mener une action militaire, les conséquences seraient catastrophiques. »
   Dans ce va-et-vient de consultations, sous les regards de l'opinion publique mondiale, on voit un Obama qui insiste encore et encore sur le fait que son objectif en Syrie est « une intervention limitée, réduite à la réponse que l'on veut donner », une action « brève », qui n'engagera « en aucun cas des troupes sur le terrain », et qui ne vise pas à « renverser » Assad mais à « dégrader les capacités du régime ». Kerry est sur la défensive et répète que « notre réponse sera extrêmement restreinte et limitée ». Bref, tout l'effort de l'administration Obama consiste à convaincre que son plan en Syrie « n'est pas comme celui de l'Irak ».
   Aux Etats-Unis, la majorité de la population est réticente à une nouvelle aventure militaire. Ils ne sont que 9 % à appuyer les intentions du gouvernement, et 59 % pensent que le Congrès devrait dire non au président. Même dans le cas où  l'utilisation d'armes chimiques par la dictature syrienne serait prouvée, seulement 25 % soutiendraient une intervention, selon un sondage du Washington Post.

Une éventuelle négociation ?

Ces plans étant de plus en plus remis en question, Kerry a réaffirmé qu'il « préfère un processus politique ». Il ouvre ainsi une porte qui pourrait signifier une éventuelle négociation avec le régime d'Al Assad. Prié de dire s'il y avait une chance d'arrêter l'attaque contre la Syrie, il déclara : « Bien sûr. Il pourrait remettre toutes ses armes chimiques, sans exception, à la communauté internationale, au cours de la semaine. »
   La Russie, un allié de la dictature syrienne, n'a pas tardé à le prendre au mot et a interprété cela comme une possible « alternative de paix ». Elle a soutenu la « proposition » et son ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a déclaré : « Nous appelons les dirigeants syriens à se mettre d'accord, non seulement pour mettre les stocks d'armes chimiques sous contrôle international, mais aussi pour ensuite les détruire et pour s'incorporer pleinement dans l'Organisation de l'interdiction des armes chimiques. »
   En même temps, le Premier ministre britannique, Cameron, déclara que cette issue « serait un grand pas en avant ».
   Le régime syrien, quant à lui, déclara par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Walid Mualem : « Nous avons entendu avec attention la déclaration du ministre Lavrov et nous saluons l'initiative. »
   Compte tenu de ces déclarations, un porte-parole de la Maison Blanche a promis d'« étudier attentivement » la proposition.
   Bien sûr, ce va-et-vient ne garantit en aucune façon que l'impérialisme s'abstiendrait d'attaquer la Syrie, même contre son propre Congrès, mais de telles propositions peuvent fournir une « sortie honorable » si, pour une raison quelconque, il se voyait obligé de suspendre l'attaque.

Il est possible de mettre en échec l'intervention impérialiste !

Tous ces faits démontrent les énormes difficultés pour l'impérialisme d'intervenir aujourd'hui militairement dans le monde, notamment en Afrique du nord et au Moyen-Orient.
   Cela est principalement dû au dénommé « syndrome Irak », qui s'exprime dans le rejet de larges secteurs des masses dans les pays impérialistes contre l'engagement de leurs gouvernements dans de nouvelles aventures militaires coûteuses, suite à la défaite politique et militaire subie lors des dernières invasions de l'Afghanistan et de l'Irak. Dix ans plus tard, l'impact des soldats morts, des dépenses de milliards de dollars, des abus et des atrocités commises contre les populations locales, est encore présent dans les mémoires, ainsi que – et particulièrement en ce moment – l'impact de l'énorme fiasco que fut cette invention des prétendues « armes de destruction massive »en Irak. En temps de crise, alors que les gouvernements des Etats-Unis et de l'Europe attaquent les droits et le niveau de vie de la classe ouvrière et du peuple, les nouvelles aventures militaires sont considérées comme un gaspillage inutile de ressources dont on ne dispose pas.
   Ce sentiment des masses et le rejet qui en résulte sont un élément extrêmement progressiste. Il faut l'encourager et le transformer en opposition consciente, organisée et mobilisée contre les plans des gouvernements impérialistes d'attaquer d'autres pays.
   C'est la raison de tout ce va-et-vient et de toutes les précautions des gouvernements des grandes puissances pour intervenir militairement en Syrie et dans d'autres pays. Cela ne veut pas dire qu'ils ne peuvent pas le faire ou qu'ils ne le feront pas, mais l'action militaire s'avère ne pas être leur premier choix, surtout au milieu du processus puissant de révolutions qui secoue la région. L'Afrique du nord et le Moyen-Orient sont maintenant une poudrière, et ils le savent.
   Nous insistons sur le fait que rien de tout cela ne signifie que l'impérialisme est totalement incapable d'intervenir. Il le fera d’ailleurs très probablement. Mais le fait est qu'il lui est beaucoup plus difficile, non seulement d'entamer une action militaire mais aussi de définir ses objectifs et sa durée. Il est pratiquement exclu, comme Obama lui-même ne cesse de le rappeler, que les Etats-Unis envahissent la Syrie avec des troupes au sol. Non pas parce qu'ils ne le veulent pas, non pas parce qu'ils ne le désirent pas, mais parce qu'ils n'ont pas les conditions politiques, un rapport de forces favorable, pour le faire. Et cela est le résultat de la résistance héroïque des peuples irakiens et afghans, qui ont vaincu l'impérialisme dans une guerre de longue durée. C'est le résultat de l'impact que cette résistance a eu sur la population des principaux pays impérialistes. Il est évident que c’est très important pour le développement en cours des révolutions dans le dénommé monde arabe, car l'impérialisme y intervient d'emblée avec des limitations pour agir comme il le voudrait ou le pourrait.
   C'est le moment pour redoubler les efforts et renforcer l'opposition et la mobilisation contre les plans impérialistes d'intervention en Syrie, en organisant des manifestations dans les pays impérialistes. L'arrêt d'une attaque militaire contre la Syrie serait, sans aucun doute, une victoire du mouvement des masses et un sérieux revers pour Obama et ses partenaires impérialistes.
   Ce serait une conquête, car cette intervention vise à essayer de contrôler et de vaincre la révolution de l'intérieur, pour que les Etats-Unis et ses partenaires puissent stabiliser le pays et la région. L'impérialisme ne poursuit aucun intérêt humanitaire en Syrie, mais les intentions colonialistes et contre-révolutionnaires les plus abjectes. Une attaque militaire étasunienne causerait certainement plus de souffrances et de morts parmi le peuple syrien, qui endure depuis deux ans et demi toute sorte de tortures.
   C'est pourquoi nous sommes totalement opposés à l'intervention militaire planifiée par Obama, et nous dénonçons en même temps les directions elles-mêmes du camp rebelle, comme le sommet de l'Armée syrienne libre et le Conseil national syrien, qui appelent à une action militaire impérialiste. Il ne s’agirait pas d’autre chose que d’ouvrir la porte à la contre-révolution.
   En même temps que nous rejetons toute intervention militaire en Syrie, nous devons exiger avec force de tous les gouvernements du monde entier la rupture des relations commerciales et diplomatiques avec la dictature syrienne et l'envoi d'armes lourdes, de médicaments et de toutes sortes de fournitures aux milices rebelles et aux Comités locaux de coordination, sans aucune conditions, car ce sont eux qui peuvent renverser le dictateur syrien sanguinaire.
   La lutte implacable contre les plans militaires d'Obama en Syrie doit être menée dans le cadre d'un soutien inconditionnel à la cause de la révolution syrienne et d'une position catégorique en faveur d'une victoire militaire rebelle, sous le mot d'ordre :
A bas la dictature d'Al Assad !
Non à l'intervention impérialiste !

Une déclaration de la Ligue Internationale des Travailleurs - QI.
Le 10 septembre 2013