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Ligue Communiste des Travailleurs

Section belge de la Ligue Internationale des Travailleurs -
Quatrième Internationale (LIT-QI)

« L'émancipation des travailleurs sera l'œuvre des travailleurs eux-mêmes. » K. Marx

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13 décembre 2016

Assad et la Russie transforment Alep en une mer de sang

Le chaos et la barbarie règnent à Alep. Ces derniers jours, de véritables scènes de terreur ont eu lieu dans les parties de la ville qui sont encore contrôlées par des groupes rebelles en lutte contre le régime tyrannique de Bachar el-Assad. Le nombre quotidien de morts est maintenant impossible à calculer, car les Comités locaux, qui faisaient ce dénombrement, sont actuellement fort désorganisés.


   L'attaque se fait par voie terrestre et aérienne. Il y a des centaines de morts sous les bombardements ou par manque de nourriture et de soins médicaux. Un véritable massacre est en cours ; massacre dont les responsables (Assad, Poutine et les autres membres de la coalition qui soutiennent le régime) savent qu'ils peuvent continuer à agir en toute impunité et que la communauté internationale des Etats ne réagira pas.
   La conquête d'Alep n'est possible que moyennant une politique de la terre brûlée : selon la Coalition Nationale Syrienne (CNS), plus de deux mille frappes aériennes ont été lancées sur la partie Est de la ville et alentours depuis le début de l'offensive le 15 novembre dernier, accompagnées de sept mille tirs d'artillerie. Cette offensive militaire est encore pire sur les écoles et les hôpitaux et détruit des quartiers entiers. C'est une politique de destruction systématique, une répétition de la destruction de Grozny, 16 ans plus tard, actuellement mise en œuvre par l'armée russe avec son armement sophistiqué et par l'armée syrienne qui bombarde avec des barrils d'explosifs. La conquête d'Alep et la victoire militaire du régime et de ses alliés ne peuvent que conduire à l'occupation du pays par les militaires étrangers : les Russes et les milices contrôlées par l'Iran et le Hezbollah.
   L'occupation de toute la partie orientale d'Alep par les forces de l'armée syrienne, soutenues par les milices iraniennes, libanaises, irakiennes et afghanes, n’est peut-être qu'une question de jours. Les forces terrestres reçoivent le soutien de l'aviation russe et syrienne, qui continue de bombarder non seulement Alep, mais aussi Idlib, et ce malgré les déclarations du ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, qui affirme que l'attaque contre Alep aurait été stoppée. Des dizaines de milliers de civils ont fui la ville au cours des derniers jours, mais il y a encore environ 100.000 personnes piégées dans les districts assiégés. Certaines familles refusent de quitter la ville et ce lundi 12 décembre s’y trouvaient encore environ huit mille combattants armés, membres de groupes d'opposition.
   Plusieurs militants et journalistes rapportent que l'armée syrienne réalise des exécutions sommaires de membres présumés ou de partisans de groupes rebelles. Des centaines d'hommes entre 18 et 50 ans ont disparu. La tyrannie que nous observons, outragés, est un prélude à ce que sera le pays si Bachar el-Assad gagne la guerre.
   Assad lui-même a déclaré dans une interview à un journal syrien proche du gouvernement que la guerre n'est pas finie. Même si la ville d'Alep est prise, une grande partie de la province restera encore aux mains des rebelles, ainsi qu'Idlib ou des zones de Damas. Sans parler des régions kurdes. Le prochain objectif serait Idlib, la seule capitale provinciale encore entre les mains des groupes d'opposition au régime. La Syrie restera entièrement divisée en zones contrôlées par différents groupes.
   Un pacte avec l'opposition n'a jamais été la politique du régime. Assad et la Russie n'accepteront que la reddition inconditionnelle de tous les rebelles, ce qui, au moins pour l'instant, ne semble pas être le scénario le plus probable à court terme. Le régime syrien ne dispose pas non plus de forces armées unifiées sous son commandement. Il y a des dizaines de milices différentes qui, bien qu’en lutte contre les rebelles, répondent aux ordres de différents pays et factions politiques et religieuses.

La Russie et l'Iran sont les principaux responsables du massacre

Le régime syrien est entièrement contrôlé par la Russie et l'Iran. Assad a perdu toute capacité d'initiative et la majorité des contingents qui se battent en son nom sont des hommes étrangers. La Russie a décidé d'aller jusqu'au bout dans sa politique de : « soit Assad, soit le pays en flammes », au détriment des dizaines de milliers de morts et d'une destruction incalculable. Le régime syrien avait déjà fait quelque chose de similaire, mais à une échelle plus limitée, quand il écrasa la rébellion de Hama en 1982, en utilisant des gaz chimiques, au prix de plus de 20.000 vies humaines.
   La Russie et l'Iran profitent d'une situation d'instabilité politique et économique dans les principaux pays impérialistes, en particulier l'Union européenne et les Etats-Unis, pour approfondir leur projet de maintenir et d'étendre leurs zones d'influence dans la région. Les revendications d'un secteur soi-disant « de gauche » à travers le monde, selon lequel ces pays représentent une sorte de « force alternative » à la domination des Etats-Unis, est totalement absurde et fausse. Il s'agit bel et bien de deux régimes autoritaires et sanglants qui ont pour objectif principal de continuer à gouverner dans leurs pays et à maintenir leur influence politique et leurs avantages économiques en Syrie et dans toute la région.

Les Etats-Unis et l'Union européenne assistent passivement au génocide syrien.

L'indignation concernant ce qui se passe en Syrie se fait d’autant plus vive lorsque l’on voit la passivité et l'hypocrisie avec lesquelles agissent les principales puissances impérialistes du monde, y compris l'Organisation des Nations Unies (ONU). Elles laissent le régime d'Assad continuer à bombarder et à tuer le peuple syrien sans prendre la moindre mesure au-delà des déclarations dans les hémicycles, vides de sens et qui ne résolvent rien.
   La rhétorique anti-Assad d'antan a cédé la place à des discours abstraits sur le fait de « trouver une solution pacifique ». On n'ose pas affronter la Russie – dans la pratique, on collabore avec elle – et on ne propose même pas des mécanismes de pression politique, moins encore des sanctions économiques, même timides, comme dans le cas de l'Ukraine. Il y a un accord contre-révolutionnaire de fond parmi tous les pouvoirs qui négocient l'occupation totale d'Alep. John Kerry, le secrétaire d'Etat yankee, a appelé Assad à la miséricorde et a exhorté les rebelles à quitter la ville.
   La principale préoccupation de l'UE est d'arrêter le flux de migrants vers la « forteresse Europe » et il suffit donc que l'accord signé avec la Turquie se maintienne et qu'Erdogan remplisse sa part du contrat. Les principaux pays de l'UE sont « trop occupés » avec leurs problèmes internes pour se préoccuper de la vie des Syriens (la croissance électorale de l'extrême-droite, le Brexit, les référendums internes et, surtout, la guerre sociale contre les travailleurs pour surmonter la crise économique). La politique de l'UE concernant la Syrie – et en général concernant le Moyen-Orient – reste subordonnée à celle des Etats-Unis.
   La priorité de ces gouvernements est de mettre en échec la révolution populaire au Moyen-Orient et en Afrique du Nord et d'éviter toute victoire de celle-ci, même partielle et démocratique (telle qu'un changement de régime, par exemple), dans un pays de la région, ce qui signifierait une intensification majeure de l'actuelle situation mondiale d'instabilité. La raison fondamentale est que l'impérialisme veut à tout prix stabiliser la région, en acceptant qu'Assad et la Russie le fassent moyennant le génocide.

Mettre fin à l'offensive militaire et permettre l'entrée de l'aide humanitaire

Il n'y a pas d'issue au conflit syrien sans un changement de régime. Assad n'a aucune légitimité pour gouverner le pays, même pas dans les territoires qu'il contrôle, et moins encore dans les territoires contrôlés par les milices rebelles ou par d'autres groupes tels que la milice kurde et le soi-disant Etat islamique.
   Sa puissance est basée sur la peur et la force brutale, tout cela avec le soutien de ses collaborateurs internationaux et la complicité des autres pays. Malheureusement, la crise syrienne est loin d'arriver à son terme. La guerre civile libanaise a duré 15 ans et nous enseigne qu'une situation comme celle de la Syrie peut se prolonger pendant de nombreuses années.
   Il faut commencer dès maintenant une vaste campagne pour forcer le régime à arrêter les bombardements et les attaques au sol par les forces fidèles au dictateur syrien et à autoriser l'entrée de nourriture et de médicaments essentiels. Dans l'est d'Alep, il n'y a même pas un hôpital en fonctionnement. La situation est très précaire et pourrait se détériorer encore davantage.
   D'autre part, il est plus que jamais nécessaire d'envoyer des armes aux rebelles syriens afin qu'ils puissent se défendre eux-mêmes et la population civile dans les zones où ils se trouvent. L'occupation par l'armée syrienne d'Alep orientale, de Homs et de zones de Damas, ainsi que d'autres villes auparavant dans les mains des rebelles ou de Hama, n'a été possible qu'à cause de l'isolement total imposé aux groupes qui s’opposent à Bachar el Assad ; ce dernier a utilisé toutes sortes d'armes et de bombes alors que les rebelles se sont défendus avec de vieux fusils de courte portée.

Les rebelles ne sont pas des terroristes.

Le discours du régime de Damas, de la Russie et de l'Iran affirme que tous les rebelles qui luttent contre Bachar el-Assad seraient des terroristes.
   C'est un mensonge. La plupart des rebelles sont des Syriens qui ont été forcés de s'armer pour se défendre contre la violence utilisée par les forces armées syriennes contre les manifestations pacifiques qui ont commencé en mars 2011. La gauche castro-chaviste qui soutient Assad est complice de ce génocide.
   Il est vrai que l'Etat islamique a profité de l'offensive d'Assad contre Alep, soutenue par la Russie, pour regagner la ville de Palmira dont il avait perdu le contrôle il y a huit mois.
   Il est vrai que l'isolement de la révolution (imposé par la soi-disant « gauche » pro-Assad et impérialiste) a créé un vide politique, qui a été utilisé, dans de nombreux cas, par les pays de la région qui ont leur propre agenda. Cet agenda était très différent des valeurs qui faisaient l'essence même des manifestations qui ne demandaient d'abord que des réformes ponctuelles dans le régime et sont devenues par la suite une révolution populaire. Les monarchies du Golfe, ainsi que la Turquie, ont profité de cette situation pour financer leurs propres groupes.
   Il y a cependant encore des dizaines d'initiatives civiles en Syrie – comme les Comités locaux, qui continuent à fonctionner, ou l'Aleppo Media Center, etc. –, des initiatives qui représentent l'esprit initial de la révolution et luttent pour maintenir les principes de justice, de démocratie et d'égalité pour lesquels des millions de Syriens sont descendus dans la rue au risque de leur vie. L'une des premières mesures de l'armée syrienne lors de son entrée dans la partie orientale d'Alep fut de chasser de la ville les Casques blancs, un groupe exclusivement dédié au sauvetage de la population touchée par les bombardements.
   Différents groupes ont combattu côte à côte dans la bataille d'Alep, des groupes tels que Fatah al-Sham (auparavant al-Nusra, avec environ 10.000 combattants, dont 80% de Syriens), qui opère au sein de Jaysh al-Fateh (une coalition de groupes « islamistes » et « modérés »), et des groupes liés à l'Armée syrienne libre (ASL).
   La crise de direction révolutionnaire revêt ici une importance terrible, dans la mesure où il n'y a pas une alternative stratégique pour la révolution.
   Il est vrai qu'il y a eu également des affrontements entre les différentes milices de l'opposition, mais l'unité contre l'offensive du régime a prévalu. Si le groupe lutte contre Assad, il gagne rapidement le soutien populaire, car Assad est la principale menace pour la plupart des Syriens, en particulier ceux qui vivent dans les zones rebelles.

Dehors Assad et sa clique

La division du conflit en secteurs est due en grande partie à la politique d'Assad. Les Etats-Unis et d'autres puissances régionales ont également contribué à consolider leurs propres pions sur le terrain. Dans la pratique, ils ont abandonné les milices populaires et la population syrienne insurgée à leur sort. Dès le début, la généralisation de toute opposition comme « terroriste fondamentaliste » a été la stratégie d'Assad, et elle fait également partie du discours des pays impérialistes centraux pour justifier leurs bombardements sur le pays.
   Nous réaffirmons notre position au côté du peuple syrien, contre la tyrannie du régime d'Assad et de ses partisans. Nous ne faisons pas confiance aux Etats-Unis, ni à l'Union européenne ou à l'ONU. Nous défendons la chute du régime syrien comme le premier pas, la seule possibilité, y compris pour la résolution de la crise humanitaire en Syrie. Nous exigeons la fin immédiate des attaques sur Alep et Idlib et nous nous engageons à participer aux efforts pour faire arriver de l'aide humanitaire en Syrie.
   Nous appelons les organisations ouvrières, populaires et des droits humains à travers le monde à mettre en œuvre une campagne unifiée de solidarité avec le peuple syrien.

Secrétariat international de la LIT-QI
le 13 décembre 2016

Vive la lutte du peuple syrien !
Dehors Assad et l'Etat islamique !
Arrêt immédiat des attaques contre Alep et Idlib !
Fin de l'intervention russe et iranienne en Syrie !
De l'aide humanitaire au peuple syrien !
Des armes pour les rebelles ! Aucune confiance dans les Etats-Unis, l'UE ou l'ONU !