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Ligue Communiste des Travailleurs

Section belge de la Ligue Internationale des Travailleurs -
Quatrième Internationale (LIT-QI)

« L'émancipation des travailleurs sera l'œuvre des travailleurs eux-mêmes. » K. Marx

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Une grève « sauvage »

La presse a fait mention de la grève chez les chauffeurs de bus de la STIB ce 20 et 21 janvier. Elle la qualifie de « sauvage » et a surtout mis en avant les désagréments pour les usagers. Voici un petit récapitulatif de la lutte, et notre point de vue, sur base d’informations recueillies auprès des grévistes.

Une lutte entre direction et chauffeurs

Cela fait une vingtaine d’année que les chauffeurs de bus et de trams peuvent permuter leur parcours et leur horaire avec un collègue pour convenance personnelle, le jour même. Cela s’est toujours bien passé et a surtout permis de garder une certaine souplesse de ces horaires au profit de la qualité de vie de chacun. Le 30 octobre dernier, la direction annonce aux chauffeurs de bus que dans un délai de deux semaines elle interdira cette possibilité de permutation des horaires le jour « J », et l’avancera en « J-1 15h » au plus tard.
    La réponse des travailleurs est catégorique, c’est le refus de laisser la direction démanteler une fois de plus les conditions de travail. La mobilisation fait reculer la direction : elle reporte l’échéance. Le temps passe, la direction veut gagner du temps… Le 10 décembre, celle-ci tente d’influencer ses agents avec des tracts : « la permutation le jour « J » n’est pas un acquis ». Elle annonce l’échéance du 5 janvier, précise que la permutation le jour « J » doit être désormais exceptionnelle, et demande de collaborer : « nous comptons sur la responsabilité de chacun, d’avance merci pour votre compréhension et votre collaboration ».
   Dans la foulée, pour tenter de convaincre les plus indécis,, elle annonce aux syndicats qu’elle « concède » de passer de « J-1 15h » à « J-1 18h ». Les travailleurs en ont assez. Bien décidés, ils se sont dit qu’il fallait passer à la vitesse supérieure. Des SMS appelant à la grève ont circulé, sans suivi... Le mécontentement a couvé quelque temps puis, un tract « Appel pour la grève », signé par « la base », a lancé le mouvement au dépôt de Delta :
   « Etant tous victimes des caprices de la direction et de sa détermination, nous proposons de partir en grève ce mardi 20 janvier pour exiger une augmentation de salaire et une amélioration des conditions de travail. Il faut que nous soyons nombreux mardi pour lancer la grève. Plus nous serons nombreux, plus notre mouvement sera fort. Nous voulons : 1. Augmentation de salaire ; 2. Amélioration des conditions de travail : temps de parcours/régulation (planchettes) ; 11 h minimum d’interruption entre deux services; permutations / déclassements ; diminution des services coupés. Il faut que cette grève soit un succès. Tous à 4h30 au Dépôt. La base »
   Les revendications vont clairement plus loin que le problème des permutations, elles ont été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. De 40% des bus à l’arrêt le matin, on est vite passé à 50% à midi, 60% le deuxième jour, 70% au dépôt de Jacques Brel. Le mouvement de grève a gagné clairement et rapidement en ampleur. Les chauffeurs étaient bien déterminés à lutter.
   Le jour même, la direction a répondu pour casser le mouvement : puisque cette grève n’a pas fait l’objet d’un préavis officiel après l’échec de négociations, la grève est « illégale » et toute absence sera donc considérée comme injustifiée. Et comme tous les agents le savent bien, toute absence injustifiée de plus de deux jours peut conduire au licenciement sec, ce qui est écrit officiellement dans le fameux « code 51 ». La direction générale emboîte le pas et lance un avis au personnel, « Avis de grève sauvage », dans laquelle elle pointe du doigt un « petit groupe », décrédibiliser les revendications, les méthodes, et appelle à revenir à la table de négociation « dans les prochaines semaines et les prochains mois »…
   Malheureusement, après le deuxième jour de grève, la menace du code 51 est trop forte. Les chauffeurs ont du reprendre leur bus…

Des directions syndicales vendues au patron

Lors de la grève, une centaine de chauffeurs ont envahi les locaux de la CGSP pendant une assemblée des délégués. Tout d’abord priés par le permanent de sortir de la salle, la base est restée et a simplement et clairement demandé de reconnaître la grève (afin de pouvoir passer les deux jours de grève sans risquer le code 51). La réponse a été tout aussi claire que la question : « Non, c’est une grève illégale ». Ce jour-là, les trois syndicats font une déclaration commune dans laquelle ils appellent les agents à s’en remettre aux futures négociations, dans l’espoir d’étouffer la volonté des grévistes. Les syndicats, et explicitement la CGSP devant la base, ont joué le jeu du patron. Ils ont trahi la cause de leurs affiliés et de l’ensemble des travailleurs. De plus, c’est un délégué proche des permanents qui a effrayé les grévistes avec la menace du code 51 dans le dépôt.
   Que la direction et les médias décrédibilisent une grève en la qualifiant de « sauvage » ou « illégale » est courant et dans l’ordre des choses, mais il est surtout plus inédit et remarquable que la combativité des travailleurs déborde la volonté des permanents et mette à jour, à la chaleur de la lutte, les vendus au patron parmi eux. Cette grève est courageuse et exemplaire dans ce sens.

Un renforcement certain

Suite aux deux jours de grève, la fierté et la dignité ont été le sentiment général parmi les chauffeurs. Certains sont déçus de n’avoir rien obtenu, d’autres de ne pas avoir été plus loin. Ce qui est sûr, c'est que la lutte a renforcé leur esprit de camaraderie et leur expérience pour les luttes à venir, que certains voient ne pas tarder…