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Ligue Communiste des Travailleurs

Section belge de la Ligue Internationale des Travailleurs -
Quatrième Internationale (LIT-QI)

« L'émancipation des travailleurs sera l'œuvre des travailleurs eux-mêmes. » K. Marx

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15 décembre

Une grève générale
paralyse le pays

Des camarades de la LIT-QI, venus de différents pays, ont participé à la grève générale du 15 décembre. Voici les impressions de l'un d'eux, Marcos Margarido.

   La grève générale organisée par les trois syndicats de la Belgique, la FGTB (liée à la social-démocratie), la CSC (liée aux démocrates-chrétiens) et la CGSLB (liée aux libéraux) a mis à l'arrêt le pays ce lundi 15 décembre. Nous y avons participé depuis Bruxelles, la capitale.
   La grève a débuté la veille, quand environ 80 personnes – dont des militants syndicaux, des membres de partis de gauche de Belgique et des membres de la LIT-QI de Corriente Roja (Espagne), de la ISL (Grande-Bretagne) et du PSTU (Brésil) – ont fait une occupation symbolique du Centre opérationnel de la Gare du Midi, la principale gare ferroviaire de Bruxelles.
   Dans ce Centre opérationnel, les militants ont fait le compte à rebours, « 10, 9, 8... 3, 2, 1 », des dix dernières secondes du changement de pause des opérateurs. Quelqu'un a crié « appuyez sur le bouton » et les trains qui se trouvaient sur les quais y sont restés, faute de remplaçants pour les travailleurs de la pause qui prenait fin, qui quittaient leur poste de travail. L'énorme panneau du Centre opérationnel montrait une ligne de feux rouges pour chaque voie, ce qui indiquait que tous les trains étaient à l'arrêt. La première grève générale en Belgique depuis 28 ans commençait.
   Selon la BBC, la grève paralysa le transport aérien, avec l'annulation de près de 600 vols ; le transport ferroviaire, avec l'arrêt de tout le transport de voyageurs et de marchandises ; et le transport en bus. Le port d'Anvers était également paralysé.
   La première grande réaction des travailleurs au plan d'austérité du gouvernement de droite du Premier ministre Charles Michel montre que la résistance sera grande. Cette action avait été précédée par des grèves régionales, ainsi que par une manifestation nationale avec environ 120 000 personnes le 6 novembre, rien que ça ! Le paquet économique du gouvernement veut imposer des coupes de onze milliards d'euros au cours des cinq prochaines années.
   Selon le bulletin de la FGTB, adressé aux indécis, intitulé ironiquement « Je ne fais pas grève », les pertes pour les travailleurs seront énormes. Il y aura, entre autres :

   • Une perte de 720 €/an en raison de la non-application de l'indexation automatique des salaires en 2015.
   • Un gel des salaires pendant deux ans ;
   • L'augmentation de l'âge de la retraite à 67 ans ;
   • La réduction de 15 à 20 % de la pension de retraite ;
   • La réduction des impôts payés par les entreprises ;
   • Les coupes dans les services publics.

   Une autre menace est la privatisation de la SNCB (transport ferroviaire), actuellement la plus importante entreprise d'Etat de Belgique. C'est le secteur des travailleurs les plus militants, ce qui se manifestait, par exemple, dans l'occupation du Centre opérationnel.

Le matin du 15 décembre : Bruxelles

Les piquets à la Gare du Midi ont commencé tôt. Le but était d'empêcher le travail dans le bâtiment administratif de l'entreprise de l'Etat. Des militants bloquaient toutes les entrées du bâtiment, y compris les voies d'accès, ce qui empêchait toute circulation locale.
   Tout au long de la matinée, les manifestants maintenaient les piquets, supportant le froid de l'hiver européen, mais avec des brasiers allumés dans des fûts ou simplement sur l'asphalte. La fonction principale était de guider les chauffeurs qui voulaient savoir comment atteindre leur destination, les rues étant bloquées, et d'empêcher l'un ou l'autre audacieux de briser le blocus. Tout au long de la période, un seul chauffeur a essayé d'avancer avec son pick-up et est entré en collision avec l'un des fûts de déchets placés au milieu de la rue, franchisant la ligne du piquet.
   La police s'est rendue aux piquets, mais elle n'a essayé nulle part d'enlever les obstacles placés au milieu des rues. La seule « exception » fut le moment où une randonnée en vélo de soutien à la grève s'adressa aux policiers pour qu'ils nous demandent de débloquer la rue pour laisser passer les cyclistes. Au moins une centaine de cyclistes – bravant la bruine qui tombait– sont alors passés sous les applaudissements des grévistes, saluant tout le monde, pour s'arrêter ensuite au prochain piquet, où il y avait un poste avec de la musique. Une ambiance de fête s'y est installée.
   Aucun bus des transports publics n'est passé par les rues autour de la Gare du Midi et nous avons reçu l'information que le métro était aussi à l'arrêt à 100 %. Dans le métro, il y avait deux piquets : celui des travailleurs du métro et celui des travailleurs du nettoyage de BM&S, ce dernier formé par des militants en grève depuis trois mois en raison du licenciement de leurs délégués syndicaux par une des entreprises de nettoyage sous-traitantes. La circulation automobile n'a pas augmenté à cause de cela. Au contraire, il y avait moins de mouvement que lors des journées de travail normales. Une indication du succès de la grève.
   Un employé municipal qui habite près de la Gare du Midi traversait le piquet et nous disait que sa « commune » était à l'arrêt. En fait, c'était le cas pour tous les secteurs de la municipalité de Bruxelles.
   Vers midi, les piqueteurs, contents du succès de la grève, ont commencé à préparer un barbecue avec du poulet et des saucisses, sur le charbon ardent des brasiers. Dans le pays qui produit l'une des meilleures bières au monde, ce breuvage ne pouvait pas manquer, et chacun de nous a eu droit à une chope avec un sandwich.

Les manifestations de l'après-midi

Les syndicats n'ont appelé à aucune manifestation le jour de la grève. S'ils l'avaient fait, ils auraient rassemblé des milliers de travailleurs dans le centre-ville.
   Mais via les réseaux sociaux, les militants ont organisé un rassemblement face au parlement de Bruxelles, où se sont concentrées environ 500 personnes, qui se sont dirigées ensuite au siège de la N-VA, le parti de droite au gouvernement.
   A cette occasion la première confrontation avec la police a eu lieu. Après le passage d'une colonne de militants, un blocage a rapidement été installé avec une clôture de fil de fer, derrière laquelle la troupe de choc s'installa pour empêcher l'accès au siège du parti au gouvernement. Après avoir chanté des slogans contre l'action de la police, rappelant qu'il s'agissait d'une police et d'une justice de classe, une pluie d'œufs fut lancée, atteignant les rues et les bâtiments, ainsi que les casques, les boucliers et les vêtements des policiers. Certains ont dit que 60 douzaines d'œufs avaient été achetées pour l'action. Apparemment, c'est une « tradition » ici.
   La journée était comble, la grève générale avait été un succès, avec la capitale – et probablement l'ensemble du pays – à l'arrêt.
   En soirée, nous nous sommes rendus à une réunion avec des militants syndicaux, organisée par la LCT (la Ligue communiste des travailleurs, la section belge de la LIT-QI). Des informations allaient y être échangées concernant les luttes des travailleurs en Belgique, en Espagne et en Angleterre, contre les attaques des patrons et de leurs gouvernements, dans cette guerre sociale qui s'est installée en Europe depuis le début de la crise économique mondiale. La tâche des militants syndicaux étant accomplie avec le succès de la grève. Nous pouvons dire que dans cette réunion commençait notre tâche révolutionnaire internationaliste : aider à construire le parti révolutionnaire en Belgique.