logo-IV-LCT.jpg

Ligue Communiste des Travailleurs

Section belge de la Ligue Internationale des Travailleurs -
Quatrième Internationale (LIT-QI)

« L'émancipation des travailleurs sera l'œuvre des travailleurs eux-mêmes. » K. Marx

Newsletter

1er mai 2017

Actions contre le projet de loi
sur la levée du secret professionnel

Profitant des derniers attentats pour avancer dans ses projets de réformes sécuritaires, la N-VA, en la personne de Mme Valerie Van Peel, a déposé en septembre 2016 une proposition de loi pour modifier les conditions de la tenue du secret professionnel pour les travailleurs sociaux – CPAS, mutuelles, syndicats. La proposition, largement soutenue par la majorité et le CdH, et réclamée par le ministre de la justice Koen Geens, sera soumise au vote à la Chambre le 27 avril, tandis que les professionnels du secteur manifesteront pour le retrait du texte.


   Celui-ci devrait sans surprise être adopté par les parlementaires, vu le soutien dont il bénéficie dans le monde politique - à l'exception de la SP.a, du PS et d'Ecolo. Il a par ailleurs déjà été validé en Commission terrorisme de la Chambre en février, et approuvé par le Conseil d'Etat.
   Hors le climat favorable créé par la quasi hystérie qui entoure aujourd'hui les questions sécuritaires, tout l'argumentaire censé justifier cette loi s'appuie exclusivement sur un cas précis dans lequel un CPAS bruxellois aurait refusé de livrer des informations, dans le cadre d'une instruction liée au terrorisme.[1] Ce cas précis est contesté par les professionnels du secteur,[2] qui jugent globalement que le cadre légal existant est suffisant.[3] En effet, la possibilité de briser le secret professionnel, normalement protégé pénalement, existe déjà pour les cas où des personnes seraient en danger.
   Ce projet de loi s'inscrit dans une dynamique internationale, portée ici par la NV-A,[4] qui vise à augmenter les pouvoirs des forces de sécurité (modifications des conditions de perquisitions, de garde à vue, volonté de légiférer sur l'état d'urgence, etc.) tout en enlevant aux plus pauvres les moyens de se défendre (chasse et expulsions des militants sans-papiers, débats sur la nationalité, criminalisation de syndicalistes).
   En droite ligne de cette logique, les bénéficiaires des services sociaux sont pointés du doigt comme autant de terroristes potentiels, quant aux travailleurs sociaux eux-mêmes on voudrait leur faire porter une part de responsabilité dans la situation explosive en Belgique ! Il y a certainement une grande part de cynisme dans cette idée, et il est certain qu'avec cette proposition pour inscrire dans la loi les réponses au terrorisme il y a en filigrane la volonté de perpétuer les conditions de son existence : l'exploitation, la guerre et la misère.
   Seule une opposition massive et frontale du secteur pourrait forcer le monde politique à faire marche arrière. Assez rapidement d'ailleurs, les CPAS, des associations, des étudiants se sont mobilisés pour faire part de leur inquiétude face à la proposition de la députée. Bien que Charles Michel rejette la potentialité d'une dérive totalitaire,[5] ils sont nombreux à craindre que cette levée du secret professionnel pour les travailleurs sociaux, le soit finalement dans un second temps pour d'autres métiers concernés par le secret (journalistes, avocats, médecins entre autres). Les enjeux pour la cohérence et l'efficacité du travail social sont de toute façon réels, et les effets à attendre de la loi sont peut-être bien à l'opposé de ce qu'elle prétendrait accomplir.
   Alors qu'il y a eu différents rassemblements de protestation d'étudiants et de travailleurs sociaux, en février et en mars, à Bruxelles, Louvain-la-neuve et Charleroi, nous avons rencontré un collectif de futurs assistants sociaux des hautes écoles de Charleroi. Ceux-ci ont organisé le 20 mars un rassemblement devant les sièges du MR et du CdH, tandis qu'une action similaire avait lieu à Bruxelles. Nous reproduisons ci-dessous le texte de l'appel publié à cette occasion, appel que nous soutenons totalement et qui, partant de leur expérience du terrain, démontre l'absurdité de la proposition de loi.
___________________
[1] https://francais.n-va.be/actualite/signaler-le-terrorisme-secret-professionnel-ou-non
[2] La libre, 21.4.2017
[3] RTBF, 1er août 2016 https://www.rtbf.be/info/belgique/detail_la-n-va-souhaite-lever-le-secret-professionnel-pour-lutter-contre-le-terrorisme?id=9366815
[4] http://francais.n-va.be/actualite/niveau-v-5-propositions-pour-plus-de-securite
[5] La libre, 06.2.2017

Cette action a été pensée et créée sous l’impulsion des étudiants assistants sociaux de la région de Charleroi. Ce groupe réunit des étudiants de la HELHA et de Condorcet. Nous ne nous rattachons à aucun parti politique, aucun syndicat. Même si nous recherchons le soutien de ceux-ci et de toutes les personnes concernées.
   Nous sommes un groupe de jeunes, autonome et hétéroclite qui a pour but de défendre la déontologie des assistants sociaux en s’opposant à la nouvelle loi qui vise à limiter cet intouchable qu’est le secret professionnel.
   Notre rôle en tant qu’assistant sociaux n’est pas de contrôler notre public mais bien de leur offrir un accompagnement de qualité. Il passe par une relation privilégiée dont l’essence est la confiance et le secret professionnel en est le garant. Il nous semble dangereux en tant que « confident nécessaire » que notre secret professionnel soit limité. Étant donné que celui-ci nous permet d’offrir un lieu de libre parole et d’écoute. Sans cela, il y aura une autocensure de la part des usagers ce qui, à long terme, pourrait être un frein à la qualité de notre travail ou bien même dans certains cas, un danger pour la collectivité.
   Nous nous mobilisons contre cette loi car nous trouvons que cette mesure est abusive. De nouveau, ce n’est pas notre rôle. Nous sommes aussi conscients que cette mesure ouvre la porte à d’autres mesures, de plus en plus liberticides.
   Cette loi n’a pas lieu d’être, puisque notre code de déontologie nous dicte qu’il nous faut briser le secret professionnel dès qu’il y a un danger imminent pour la personne ou d’autres personnes.
Les questions qui se posent donc sont : « Quel est l’intérêt de cette loi ? » « Est-ce commencer à s’immiscer de manière fourbe dans la modification du secret professionnel ? » « Qu’est ce qui nous dis que ça ne s’étendra pas à tous les métiers où un secret professionnel est en vigueur ? »

   Cette notion floue « d’indices sérieux » laisse donc la libre interprétation au travailleur social de ce qui peut être un indice de radicalisation. Nous craignons donc l’utilisation abusive de cette loi. Dès lors, comment pouvons-nous prétendre à :
« Aider chacun à trouver sa place dans la société et à s’y promouvoir »
« Respecter des opinions, philosophique et politique d’autrui » – ce qui s’impose à l’assistant social dans l’exercice de sa profession…
Cela crée une contradiction entre la loi et notre code déontologique. Car, comment peut-on prétendre favoriser l’intégration de notre public, tout en stigmatisant une partie de celui-ci ?
   Mettre en place des mesures sécuritaires à tout prix pourrait avoir un effet pervers. En effet, que se passera-t-il lorsqu’un citoyen se verra injustement perquisitionné, car un travailleur social l’aura étiqueté « radicalisé », sans pour autant se référer à des critères objectifs et clairement définis ?
   Qu’on ne cherche pas à nous rassurer par rapport à cette loi et toutes les dérives qu’elle engendrera. Nous les assistants sociaux, nous ne sommes pas dupes ! Nous lutterons sans relâche jusqu’à ce que la promotion des droits de chacun soit effective et nous défendrons coûte que coûte les valeurs qui découlent du code de déontologie de l’assistant social.
   Nous espérons que la voix du peuple sera entendue et écoutée, car c’est le fondement de la démocratie. Nous ne voulons pas de demi-mesure, nous ne voulons pas de cette loi, ni du monde que l’on tente de nous imposer.