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Ligue Communiste des Travailleurs

Section belge de la Ligue Internationale des Travailleurs -
Quatrième Internationale (LIT-QI)

« L'émancipation des travailleurs sera l'œuvre des travailleurs eux-mêmes. » K. Marx

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28 septembre | Pour la vie des femmes
Avortement légal, sûr et gratuit !

Dans de nombreux pays, le 28 septembre est la Journée internationale pour la dépénalisation et la légalisation de l’avortement. En cette journée de lutte, nous, les femmes, demandons l’accès à l’IVG dans des centres médicaux, légalement, en toute sécurité et gratuitement, afin de protéger nos vies. Nous exigeons la fin de toutes les lois qui emprisonnent et poursuivent les femmes pour avortement.


Secrétariat international de femmes
LIT-QI
26 septembre 2020


La crise sanitaire générée par la pandémie de Covid ne nous trouvera pas dans les rues de la même manière que les années précédentes, mais la nécessité du droit à l'avortement reste aussi forte que jamais.

Dans le monde, 40 % des femmes en âge de procréer vivent dans des pays où les lois interdisent l’avortement, totalement ou partiellement, ou dans lesquels, même s’il est légal, des services n’existent pas ou sont totalement inaccessibles, ce qui oblige également les femmes à recourir à des avortements à risques.

La dépénalisation de l’avortement est une lutte pour la vie des femmes. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), chaque année, 25 millions d’avortements à risques sont pratiqués dans le monde ; 760 000 femmes reçoivent des soins médicaux pour des complications liées à des avortements à risques et au moins 22 800 en meurent.

Les femmes pauvres, rurales, issues de minorités ethniques, migrantes, jeunes et moins éduquées sont les plus exposées aux risques de complications et de décès. Les données de certains pays montrant qu’environ 70 % des complications surviennent dans ces groupes. De même, ce sont ces femmes plus vulnérables qui sont le plus souvent poursuivies pour le crime d’avortement dans les pays où c'est illégal, ce qui creuse encore le fossé des inégalités et les punit deux et trois fois. Cela montre une inégalité de classe marquée, dans laquelle les femmes qui ont les moyens économiques peuvent payer pour un avortement, clandestin mais sûr, ou peuvent se rendre dans un pays où la législation est plus large, alors que celles qui n’ont pas les moyens doivent choisir entre un avortement à risque ou une maternité forcée.

D’autres données comme celles du Guttmacher Institute parlent de près de 40 millions d’avortements par an. Les 97 % de ces avortements à risque ont été pratiqués en Amérique latine, en Afrique et en Asie. Rien qu’en Amérique latine, 6,5 millions d’avortements sont pratiqués chaque année.

La lutte pour la légalisation de l’avortement dans le monde

En Amérique latine et dans les Caraïbes, seuls trois pays autorisent l’interruption de grossesse pour quelque raison que ce soit : la Guyane, l’Uruguay et Cuba.

L’année dernière au Mexique, la ville d’Oaxaca a rejoint la ville de Mexico avec une législation où l’avortement est autorisé pour toute cause jusqu’à la 12e semaine. A cela s’ajoute les cas de Porto Rico et de la Colombie où il est permis d’interrompre la grossesse non seulement pour des raisons physiques, mais aussi pour des raisons de santé mentale et en cas de viol. Mais étant donné les multiples obstacles à l’accès, environ 90 % des avortements restent illégaux et différentes organisations luttent pour une dépénalisation totale.

En décembre 2019, après des années d’exigences, le Costa Rica a obtenu la Norme Technique, qui ne réglemente l’avortement thérapeutique que lorsque la vie de la mère est en danger, ou en raison de malformations incompatibles avec la vie.

Dans six pays de la région (El Salvador, Haïti, Honduras, République dominicaine, Suriname et Nicaragua), l’avortement n’est autorisé en aucun cas.

Le Salvador est l’un des pays au monde qui possède la législation la plus répressive en la matière, et il existe une véritable persécution contre les femmes pauvres. Beaucoup sont dénoncées et emprisonnées, même pour des fausses couches. Certaines femmes ont été condamnées à des peines allant jusqu’à 40 ans de prison pour avoir avorté, étant faussement accusées de meurtre.

Dans d’autres pays, comme le Paraguay, le Venezuela, Antigua-et-Barbuda, le Guatemala et la République Dominicaine, l'avortement est criminalisé et n’est autorisé que lorsque la femme risque de mourir. L’Équateur vient de voter une loi qui permettrait l’avortement lorsque la mère ou le fœtus sont en danger imminent. Cependant, cette législation limitée n’est pas encore entrée en vigueur parce que Lenin Moreno refuse d’apposer la signature présidentielle pour son entrée en vigueur.

Il y a quelques mois, le Brésil a été secoué plus fortement par le débat sur la légalité de l’avortement. Le cas d’une fillette de 10 ans qui avait été systématiquement violée par son oncle, et dont la grossesse et la naissance du bébé même mettaient sa vie en danger, a suscité de nombreux débats et prises de position. Des secteurs de droite, et la ministre Damares elle-même (ministère de la femme, de la famille et des droits humains), ont essayé de l’empêcher de faire interrompre sa grossesse, ce qui, en cas de viol, est pourtant légal dans ce pays.

La mobilisation du mouvement des femmes a réussi à permettre à la petite fille de se faire avorter. Cependant, le gouvernement Bolsonaro a depuis lors sanctionné un décret qui durcit les mesures pour l’accès à ce droit limité.

Au Chili, après beaucoup de lutte en 2017, la législation qui criminalisait l’avortement depuis 1990, date à laquelle le gouvernement Pinochet touchait à sa fin, a été un peu inversée. Il y a trois ans, cette législation limitée n’autorisait les avortements que pour trois motifs : danger pour la vie de la mère, non-viabilité du fœtus et viol. Cependant, la loi, bien qu’elle ait été sanctionnée par une femme présidente, Bachelet, autorise l’objection de conscience du personnel de santé, ce qui est malheureusement une cause fondamentale pour ne pas donner accès à l’avortement pour la grande majorité des femmes qui en ont besoin.

Une étude récente a confirmé que 51 % des médecins obstétriciens du système de santé publique se déclarent objecteurs de conscience, et que ceux qui reçoivent les femmes « ne les croient pas » et refusent de les traiter. On estime que 10 % des viols peuvent se terminer par une grossesse et entre 2010 et 2018, 174 000 cas ont été signalés, mais entre le moment de la sanction en 2017 et la fin de 2019, seules 150 femmes ont avorté pour cette raison. Cela montre clairement que ce droit limité n’est pas garanti dans le pays andin.

La lutte des femmes en Argentine en 2018 a eu des répercussions dans le monde après de grandes mobilisations dans tout le pays et des concentrations de plus d’un million de personnes dans la capitale pour exiger la légalisation de l’avortement. Bien que le Parlement leur ait tourné le dos, elles sont devenues une référence qui a alimenté la lutte dans différents pays.

En Espagne, comme dans d’autres pays européens, l’avortement est légal dans certaines limites de temps. Cependant, elle reste dans le cadre d’une série de restrictions du code pénal, obligeant à un « délai de réflexion » de trois jours, toujours sous tutelle, et dans de nombreuses occasions, l'« information et assistance » préalable est donnée par des organisations « pro-vie ».

De même, l'avortement n’est pas public et gratuit puisque 90 % des avortements sont pratiqués dans des centres privés. Il existe des communautés autonomes qui ne le pratiquent pas ou qui imposent des barrières pour le faire, ce qui oblige les femmes à se rendre dans d’autres lieux. En outre, la loi reconnaît l’« objection de conscience » du personnel de santé, ce qui entraîne le refus d’assistance sanitaire aux femmes.

Aux États-Unis, la lutte consiste à défendre ce qui a été conquis. Donald Trump a déclaré à plusieurs reprises son désir de recriminaliser l'avortement dans tout le pays, et lui et les secteurs conservateurs, évangéliques et de droite ont mené une croisade « anti-avortement » depuis qu’il a pris le contrôle de la Maison Blanche. Bien qu’il n'ait pas encore atteint cet objectif, il a réussi à faire appliquer des restrictions dans certains États, en refusant le financement aux organisations qui pratiquent des avortements ou aident à remplir les formalités administratives, et en modifiant la composition des tribunaux en nommant de nombreux juges autoproclamés « pro-vie ».

Le droit à l'avortement en période de pandémie

La situation désespérée de la pandémie dans le monde et l'effondrement de tous les systèmes de santé rendent encore plus difficile l'accès à l'avortement là où il est légal. Outre les restrictions ou les sous-financements antérieurs des gouvernements sur cette question, il est désormais impossible de répondre aux soins de santé de la population mondiale.

La nécessité d'interrompre une grossesse non désirée n'a pas cessé avec le coronavirus ; au contraire, elle augmente. Cette décision personnelle et intime, qui ne regarde que la femme, est souvent influencée par les conditions sociales et économiques. La croissance exponentielle du chômage, la crise sanitaire et économique, l'augmentation de la violence familiale et la quarantaine qui a confiné des milliers de femmes et de jeunes filles aux côtés de leurs agresseurs sont autant de raisons pour avoir accès à l'interruption légale de grossesse.

Cependant, les gouvernements montrent leur vraie couleur et ne garantissent même pas les droits déjà acquis. En Espagne, les soins de santé primaires se sont effondrés, ce qui constitue une violation du droit à l’avortement. Ce 28 septembre, le personnel de soins de santé primaires de Madrid sera en grève, et il peut compter avec toute notre solidarité.

Les obstacles à la légalisation de l’avortement ne sont pas exclusifs à des secteurs de droite comme Bolsonaro ou Trump, mais concernent également des gouvernements qui se posent en progressistes ou en « féministes ». Le cas de l’Argentine est à nouveau emblématique, après que les mobilisations massives et la campagne électorale d’Alberto Fernandez aient promis de reprendre la demande de l’avortement. Actuellement, le projet est paralysé et le gouvernement utilise la pandémie pour nier ce droit si revendiqué dans la rue.

Sous prétexte que le système de santé s’est effondré, le président affirme que ce n’est pas le moment de légaliser l’avortement. Plutôt que d’arrêter de payer la dette extérieure et d’investir dans la santé publique, Fernandez préfère que les femmes continuent de mourir et de s’exposer à la clandestinité qui profite de leur souffrance.

L’avortement légal est un droit tellement nécessaire pour sauver la vie des femmes, des jeunes filles et des femmes enceintes, que même en temps de pandémie, ce droit doit être conquis. Il n’y a aucune excuse pour continuer à nous laisser mourir ou à nous emprisonner.

Accès à une éducation sexuelle laïque et à des contraceptifs modernes

Le fait que les pays où l’avortement est criminalisé aient des taux d’avortement plus élevés s’explique par le faible accès à l’éducation sexuelle et aux contraceptifs modernes. C’est aussi une évidence que l’interdiction de l’avortement n’empêche pas la mort de femmes, mais la provoque plutôt, et que ceux qui se disent « pro-vie »" n’ont aucun intérêt réel pour « la vie ».

Par exemple, dans les pays semi-coloniaux, on estime qu’il y a 214 millions de femmes qui ont un besoin non satisfait de contraceptifs modernes, c’est-à-dire qui n’ont accès à aucune méthode, même si elles en veulent une, ou qui utilisent des méthodes traditionnelles et moins efficaces.

Rien qu’en Amérique latine et dans les Caraïbes, 56 % des grossesses sont non désirées, et on estime que chaque année, il y a 99 millions de grossesses non planifiées dans le monde. Parmi celles-ci, au moins 56 % se terminent par un avortement.

Dans les pays semi-coloniaux, 84 % des grossesses non désirées surviennent chez des femmes dont le besoin de contraception n'est pas satisfait.

Dans de nombreux pays, l'éducation sexuelle dans les écoles publiques n'existe pas et dans d'autres, comme l'Espagne, il s’agit d'une activité extrascolaire insuffisante, ponctuelle, volontaire et axée sur la reproduction.

La lutte aujourd'hui porte sur l'accès à l'avortement légal, sûr et gratuit ; mais aussi sur l'éducation sexuelle scientifique et laïque dans les écoles et les centres de santé, sur la gratuité des contraceptifs, sur les programmes de planning familial et sur d'autres mesures visant à prévenir les grossesses non désirées.

Obtenir la légalisation de l'avortement par la lutte

La lutte est toujours pour la vie des femmes. En Argentine, les femmes donnent l'exemple de la manière d'envisager cette lutte. Cependant, les organisations féministes qui ont mené cette grande « marée verte » ont placé les espoirs et les attentes des femmes entre les mains du Parlement et les accords entre les blocs législatifs. Cela s'est avéré non seulement insuffisant, mais a également conduit à une impasse pour la grande lutte des femmes et des secteurs de la société qui les ont massivement soutenues.

Beaucoup de ces organisations ont maintenant une représentation dans le gouvernement Fernandez, sous le discours de «  l'autonomisation », devenant ainsi partie intégrante du Pacte social en proposant l'immobilisme et en s'éloignant de plus en plus des besoins urgents des femmes pauvres et travailleuses.

Le combat se mène dans la rue, sans la moindre confiance dans les parlementaires ou les gouvernements. Mais loin d'être un combat seulement à nous, il doit être soutenu par l'ensemble de la classe ouvrière, avec ses organisations dans la rue.

Ces dernières années, il y a encore eu une offensive dans différents pays par les secteurs conservateurs et l'Église pour restreindre davantage ou empêcher les réformes sur la question de l'avortement.

Et là où ces attaques ont été stoppées, c'est grâce à la résistance du mouvement des femmes. Mais des progrès supplémentaires sont nécessaires, pour que la classe ouvrière reprenne cette bannière et aille de l'avant pour mettre fin à la législation qui condamne principalement les femmes les plus pauvres à la mort et la persécution.

Sous le capitalisme, le droit des femmes à exercer dignement leur maternité n'est pas garanti, et c'est ce qui les oblige dans de nombreux cas à recourir à l'avortement, même contre leurs propres convictions idéologiques et religieuses. Tout comme l'illégalité de l'avortement impose la maternité aux femmes qui n'ont pas le désir de devenir mères.

D'autre part, le droit à l'éducation sexuelle et aux contraceptifs gratuits est nié, en plus de la négation ou de la restriction de la possibilité d'avoir un avortement sûr ; soit par la criminalisation dans la législation, soit par des obstacles et des coupes dans les systèmes de santé promus par les gouvernements au service de la bourgeoisie.

La lutte pour la dépénalisation et pour la légalisation de l'avortement est une lutte de toute la classe ouvrière, hommes et femmes. Ce 28 septembre, nous devons nous souvenir de toutes les femmes qui ont souffert et sont mortes d'avortements clandestins, mais nous devons aussi organiser la lutte pour que le droit à l'avortement soit garanti par la loi.

Pour que plus aucune femme ne soit persécutée, punie ou ne risque sa vie pour un avortement. Nous lutterons contre les politiques des secteurs conservateurs qui veulent s'imposer sur les corps des femmes. Et contre l'hypocrisie de l'État bourgeois capitaliste qui nie le droit à l'avortement, alors qu'il est incapable de garantir aux femmes travailleuses la possibilité d'exercer dignement leur maternité.

Nous continuerons à descendre dans la rue, sans faire confiance aux parlements, aux gouvernements ou aux cours de justice bourgeoises ; car ce n'est qu'avec notre mobilisation et notre lutte que nous arracherons ce droit.

Ce 28 septembre, nous continuerons à nous battre, malgré la pandémie, pour la vie des femmes :

Éducation sexuelle pour décider,
des contraceptifs pour ne pas avorter et
l'avortement légal, sûr et gratuit pour ne pas mourir !